L’évangile de saint Jean se termine par une question plus exactement par une triple question dont la réponse se veut pour reprendre l’expression de Jean-Paul 11, tout un “programme” pour ce millénaire qui s’ouvre. M’aimes-tu? Une question tellement pétrie d’amour que Pierre, sur le bord du lac, a vite “oublié” son reniement récent jusqu’à aller là où il ne voudrait pas aller.
Plus nous approchons de Pâques, plus la liturgie nous fait pressentir que nous attirons le juste dans un piège. Ce que nous connaissons de lui, c’est qu’il était un visiteur encombrant, provocateur de foule, blasphémateur qui n’hésitait pas à se dire Dieu. Un visiteur qui osait se proclamer intime du Père moi je le connais et qui agissait librement au-dessus des lois, en guérissant même un jour de sabbat un paralytique (Jn5, 1-6).
Pour qui veut connaître quelqu’un, il n’est pas suffisant de l’étudier à fond. Il faut qu’il soit capable de mettre ses pieds dans ses souliers. Être capable de prendre son chemin. Être fasciné par Jésus, remué par les mille preuves de son amour, ébloui par la puissance de sa Parole pèse très peu dans la balance si le suivre s’arrête là. Si le grain de blé ne meurt. A Marthe Robin Jésus a posé cette question qui s’adresse à tous les disciples de tous les âges: Veux-tu être comme moi?
Nous sommes nés pour naître. Et pour nous chrétiens, la passion du Christ, sa mort est le chemin qui engendre en nous la Vie. Le passage par la contemplation de la Croix pour naître à la vie est un titre réservé aux chrétiens. Notre baptême est une plongée dans ce mystère de mort qui nous ordonne (Mgr Roméro) à la résurrection. De nos jours, nous passons vite par-dessus cette gloire des gloires qu’est la croix parce que ce passage nuit à notre épanouissement.
Présentement tous nos sens sont sollicités : bruit, lumière, agitation sont les caractéristiques de la vie moderne. Paradoxe, cet environnement au décibel étourdissant - Freud dirait aux pulsions de mort - nous propulse dans l’ère du vide, dans une sorte de désert où rien n’a plus de sens, où rien ne semble nous combler. Vivre sans idéal, sans but autre que celui du nombrilisme, sans retrouver nos racines, est désormais possible. Quel drame!
Les Archives Nationales des États-Unis nous rapportent une conversation qui s’est tenue il y a plus de 150 ans, entre un officier du gouvernement américain et le chef d’une puissante tribu amérindienne: (nez percés)“ Pourquoi ne voulez-vous pas d’écoles? ” demanda l’officier. “ On nous y apprendra à avoir des églises ”. “ Pourquoi ne voulez pas avoir d’églises? ” “ On nous y apprendra à nous quereller à propos de Dieu ”.
O Verbe éternel, Parole de mon Dieu, je veux passer ma vie à Vous écouter afin de tout apprendre de vous Ces paroles d’Elisabeth de la Trinité sont les nôtres ce matin, nous qui voulons entrer plus loin dans le mystère de cette loi nouvelle. Contemplatives, avons-nous cette passion de l’écoute? Éprouvons-nous ce besoin de nous taire, de tout apprendre de Jésus, d’écouter pour aimer? Jésus recentre toute la loi sur ces simples mots: écoute Israël.
Demander le don de la prière. Demander la grâce de prier comme Jésus même s’il nous est impossible de percer le mystère du Fils face à face avec son Père. Impossible parce que Jésus se retirait à l’écart, seul, sans la présence de ses apôtres et disciples. Impossible surtout parce que Jésus était habité par une Présence inexprimable, que son intimité avec le Père était si grande qu’il se vidait de lui-même (Phi2, 7) pour donner toute la place au Père.
Dieu est parole. Il est entré en relation avec nous par la parole. Il a noué avec chacun d’entre nous un dialogue d’amitié. Il a parlé jadis par les prophètes et, en ces jours qui sont les derniers, il a parlé par son Fils, Sa parole afin dira épître aux Hébreux que nous puissions lui répondre (Hb1,1-2). Ce Dieu-Parole nous a dit jusqu’où va son amour pour nous.
" Celui qui a le Fils possède la Vie" Ce temps de Noël nous plonge dans les commencements de Dieu." Au commencement était le Verbe. Il nous faut apprendre à naître, renaître d'en Haut. Du commencement, même à l'âge de quatre-vingt, dans l'Esprit de Dieu.
Au commencement, il y a la naissance d'une Parole, Dieu s'est fait chair. Il nous faut nous pencher sur le berceau d'un enfant pour désormais murmurer Dieu. Pas surprenant d'entendre résonner en nous, cette phrase lapidaire de l'évangéliste Jean, déjà lourde de toute la passion de Jésus : il est venu chez les siens et les siens ne l'ont pas reconnu.
