Année C : mercredi de la 28e semaine ORDINAIRE(litco28me.22) 12 oct.
Lc 11, 42-46; Ga 5, 18-25 : le style de gouvernance de Jésus.
Que cache ce malheur à vous ? Jésus observe qu’il se trouve devant une caste, un clergé, qui ne s’autocritique pas, qui, loin de s’améliorer, maintient une distance entre eux et le peuple. Malheur à vous qui avez une haute opinion de vous-mêmes : je te remercie, Seigneur, je ne suis pas comme les autres (cf. Lc 18,11). Attitude de paon et qui érige des murs avec les autres. Malheur à vous qui réagissez comme des porcs-épics, qui sortez vos griffes aiguisées, qui vous enfermez dans les enclos de confort et de convictions, dès que vous craignez de perdre vos privilèges.
Ce qui est plus subtil à percevoir dans ce malheur à vous, c’est une attaque frontale contre un style de gouvernance, axé sur le cosmétique, l’apparence, la recherche d’un visage photogénique. Ce style érige des murs, ne favorise pas le rapprochement, soulève des rivalités et engendre des tensions. Aucun style de gouvernance, dit Jésus, doit passer outre sans voir les blessés de la vie (cf. Lc 10,25-36).
Luc décrit un danger que Jésus dénonce fréquemment dans l’évangile et qu’il retrouve chez les responsables religieux : le paraître. Jésus réagit avec virulence devant un clergé malade de lui-même, qui recherche le premier siège dans les synagogues et les salutations publiques. Il conteste leur authenticité, la profondeur de leur spiritualité. Jésus veut « guérir » la religion de son temps. Il veut, dans les mots de Marcel Gauchet, sortir la religion (des leaders religieux) de la religion. Cela dérange et provoque de vives réactions. Maître, c’est nous que tu insultes.
Jésus n’est pas confortable devant la maladie de la rivalité, de la vaine gloire, de l’indifférence envers les autres qui affecte tous les décideurs religieux de toutes les époques[1]. Il n’apprécie pas ceux qui jouent de la trompette sur les places publiques, se « gonflent » d’eux-mêmes, se trompent eux-mêmes, qui falsifient leur vie pour bien paraître. Ils sont comme des sépulcres blanchis.
N’aspirez pas à ce qui est élevé, laissez-vous attirer par ce qui est humble. Ne vous prenez pas pour des sages (cf. Rm 12, 3. 16). Nous préférons, dit Paul, l’apparence de la piété (cf. 2 Tim 3, 5). Il n’est pas facile d’avoir les mêmes sentiments de Jésus, l’humilité, le don de soi, le discernement, la générosité.
Et nous, voulons-nous être guéris de cette maladie de nous-mêmes, comme demande Jésus au paralytique de la piscine de Bethzatha (cf. Jn 5, 6) ? Notre réponse est oui, mais l’enfer, dit-on, est pavé de bonnes intentions. En nous, le désir de la mondanité est souvent plus fort que le désir de mener une vie collée à notre identité profonde. L’écrivain chrétien Pascal observe que nous avons deux vies : l’une est la vie réelle, l’autre est la vie imaginaire que nous travaillons sans cesse à embellir, à préserver. Ce faisant nous négligeons notre être véritable. Descartes disait, je pense, donc je suis. Aujourd’hui, nous préférons plutôt une autre expression : j’apparais donc je suis.
À votre contemplation : il nous faut retrouver notre mot de passe qui sera toujours personnalisé, individualisé, pour désactiver le pilote automatique de toujours vivre en fonction du regard des autres. Cela affecte notre relation à Dieu. Le plus grand désir de Jésus est de nous rendre participants de sa plénitude. Ce désir en nous est-il si fort que nous évitons le « gattopardisme », c’est-à-dire que nous désirons vivre comme Jésus à condition de ne rien changer de notre désir de vivre comme tout le monde. AMEN.
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