Année B : mercredi de la 12e semaine ordinaire (litbo12me.21) -
Mt 7, 15-20 ; Gn 15, 1-12.17-18a : L’arbre ne mange pas son fruit.
L’arbre ne mange pas son fruit, il le donne à manger. Ces mots d’un proverbe africain décrivent bien que nous ne sommes pas croyants pour nous-mêmes ni pour assurer son salut. Nous croyons pour donner à toucher le Verbe de vie ; pour répandre un parfum de nard précieux (Cf. Jn12, 1-2) qui dégage une foi que rien ne peut décourager ; pour donner à voir dans nos manières de vivre de beaux fruits juteux qui excitent le désir de les manger.
Contrairement à ce que nous pensons, la foi ne consiste pas en une solide relation entre « moi et mon Dieu ». Croire, c’est dégager un parfum haut de gamme qui dynamise des vies. Croire, c’est être ce Simon de Cyrène qui porte le poids du jour des marcheurs vers une terre d’accueil. Croire, c’est donner à manger les beaux fruits que nous portons. C’est nous donner à manger.
Jésus n’est pas du genre à sonner faux. Il ne cadre pas avec l’image d’un prophète qui agit pour se faire remarquer ou pour se donner une popularité. Jésus dégage un parfum agréable qui redresse une humanité confinée à s’auto admirer comme les faux prophètes. Il s’empresse d’être ce Simon de Cyrène jusqu'à respirer nos odeurs de putréfaction sans élever la voix. Il ne s’offusque pas de la place privilégiée qu’on lui réserve, celle de porter nos croix, nos soucis, nos complaintes. Sa vie dit le royaume qu’il désire pour nous. Jésus ne se considérait pas comme « autre », mais comme prochain. Il nous guide vers une terre promise. Il est un bouclier (1re lecture) pour nous maintenir en état d’humanisme. Entre Jésus et moi la distance est ténue. Entre moi et Jésus, elle est abyssale.
Ce qui impressionne, c’est un Jésus qui se fait disciple de gens ordinaires. Il marche sur toutes les routes, écoute toutes les déceptions, s’arrête pour manger à toutes les tables, réchauffe tous les cœurs (Cf. Lc 24, 18-35). Son souci de répandre sur chaque personne un arôme de grand prix, de leur offrir un fruit vitaminé est recherché par les porteurs écrasés par la chaleur du jour. Rien n’arrête son humanisme à secourir toutes sortes de monde. Son empressement à porter nos croix ne sonne pas comme ces faux prophètes qui tendent un piège alléchant, mais qui disparaissent.
Les exégètes reconnaissent aujourd’hui que Jésus fut exécuté parce qu’il est un bon samaritain, un bon Simon de Cyrène recherché tant il ne craint pas d’enfreindre la loi du sabbat, de prendre le temps de jaser avec les « ennemis » de la religion, d’être accusé de glouton en s’assoyant à toutes les tables, de parler aux femmes (samaritaine, la pécheresse, etc.). Son souci de sortir du pétrin les gens, son authenticité humaine, sa manière de vivre sauve d’une vie ratatinée, recroquevillée.
Pensons-y un peu. Notre fascination pour Jésus ne vient pas de sa mort, elle vient de sa manière de vivre. Sa mort atroce est une conséquence de sa manière de vivre. Le catéchisme de l’Église porte un autre regard, présente une autre lecture théologique quand il écrit que la passion du Christ est bien la volonté du Père (# 555) ; que la mort violente de Jésus appartient au mystère du dessein de Dieu et elle n’a pas été le fruit du hasard dans un concours de malheureuses circonstances (# 599) ; qu’en exécutant Jésus les hommes n’ont fait qu’accomplir ce que Dieu avait décidé en vue d’accomplir son dessein de salut (# 600). Ce langage-là ne fait plus sens aujourd’hui. Quel père accepterait de tuer son fils ?
Quand on demande à des gens ce qui les attire à Jésus, on relève qu’il est bon, qu’il aime tout le monde, parle avec toute sorte de personnes, etc. Sa manière fraternelle de vivre avec tout le monde, sans haine envers ses nombreux ennemis, « oublieux » et pardonnant leur mauvaise conduite à son endroit, dégage un arôme de grand prix, un fruit rarissime très recherché. Sa mort est la conséquence de l’arôme de grande valeur qu’il verse sur nos vies. Jésus a couru après sa mort tant il dérangeait.
Ce qui fait la grande notoriété d’un Martin Luther King et de tant d’autres, ce n’est pas le fait qu’il fut assassiné. C’est plutôt son engagement à défendre la liberté, la valeur inaliénable qu’il accorde à chaque personne, sa lutte contre l’injustice du racisme et de la ségrégation. L’expression populaire dit : il a couru après. Chacun de nous est appelé à être artisan de paix, à porter de beaux fruits qui unissent au lieu de diviser, qui étouffent la haine au lieu de l’entretenir, qui ouvrent des chemins de dialogue (FT # 284).
Jean-Baptiste dont nous fêterons la mémoire demain a lui aussi couru après tant sa vie a donné un beau fruit, fruit juteux d’un vrai prophète et qui continue à parfumer notre environnement et à nous éviter d’être des morts-vivants ou de vivre sans vie. AMEN.
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