Année A : samedi de la 17e semaine ordinaire (litao17s.20)
Mt 14, 1-12 ; Jr 26, 11-16.24 : aller rapporter ce que vous voyez.
Jean savait qu’il allait finir sa vie en la donnant. Il faut que je décroisse, que je diminue. Jean a été diminué jusque dans la mort. Lui, qui était un guide pour ses disciples, a terminé sa vie dans la pénombre d’une cellule. Il a terminé sa vie dans une torture intérieure du doute. Peut-être me suis-je trompé ? Lui, dont la parole faisait autorité auprès de ses disciples, lui, homme droit (je ne suis pas le Messie) qui a reconnu au Jourdain, au milieu de la foule, celui dont il n’était pas digne de délier les courroies de ses sandales (cf. Mc 1,7), a terminé sa vie dans une double torture : celle du doute et celle de sa vie. Plus près de nous, Thérèse de Calcutta a connu cette torture de vivre sa foi dans une opacité totale; ce qui est comme un martyr.
Chercheur de savoir qui est Jésus, Jean-Baptiste est l’icône de nombreux chrétiens qui se questionnent sur Jésus. Ils doutent et envoient des signaux pour savoir si le Jésus dont ils entendent tant parler est le «vrai» Jésus.
Jean est déconcerté par les rumeurs qu’il entend au sujet de Jésus et qui lui parviennent dans sa prison. Cela ne correspond pas à ses attentes. La réponse de Jésus ne fait rien pour l’éclairer : dites à Jean ce que vous voyez. Les disciples rapportent que Jésus consacre tout son temps à rendre la vie plus digne et plus joyeuse pour tous, qu’il ne se sent pas bien devant l’indignité subie par les malades ou le mépris des pauvres.
Pour Jean, cette réponse est une «révélation». Ce n’est pas le Messie qu’il attendait. Pour éliminer sa torture du doute, Jésus l’invite à regarder du côté de la vie. Le pauvre cri ; le Seigneur entend (Ps 33, 7). Crier est la torture des pauvres. Entendre est la réponse de Dieu. Voilà comment Jésus se voyait : un donneur de vie sans exclure personne, à chacun de nous, pour que fleurisse la dignité humaine. Personne ne peut dire qu’il vit parfaitement une vie sans exclure personne. Jean percevait plutôt Jésus comme le libérateur longtemps attendu.
Jésus se présente à Jean comme un libérateur de vie. Il ira jusqu’à donner la sienne pour promouvoir sa cause. Dans un tweet (7/02/19), le pape écrit que la vie a de la valeur lorsqu’elle est donnée, donnée dans l’amour, dans la vérité, donnée aux autres, dans la vie quotidienne, dans la famille. Le dictionnaire Larousse dit que le martyr est une personne qui a souffert la mort pour sa foi religieuse ou pour une cause à laquelle elle se sacrifie. C’est une définition un peu étroite.
Le vrai martyr n’est pas nécessairement celui qui meurt pour une cause. C’est celui qui refuse de se faire valoir comme le plus grand des enfants d’une femme (cf. Mt 11, 11); qui ne désire pas s’asseoir dans la chaire de Moïse (cf. Mt 22, 2), qui ne cherche pas la première place (cf. Mt 23, 6) et dont le mode de vie invite à la radicalité évangélique. Le martyr fait partie de la vie du chrétien quand nous acceptons de grandir en sobriété et sans panache, de rejeter toute domination de pouvoir et toute accumulation de biens (cf. Laudatio si, no 222). Pour qui accepte ce chemin, c’est torturant.
N’est-ce pas le genre de vie qui est vôtre ? Nous sommes prisonniers d’une culture qui nous fait nous regarder dans la glace et ne s’occuper que de soi[1]. Jésus a décloisonné la culture hyper contrôlée de son temps. Il a vécu à contre-courant en plaçant au centre l’arrivée de la compassion. Ceux qui s’opposent à cette manière de vivre risquent d’être des corrompus (pape François) par de vaines gloires, mangent de la nourriture avariée et se replient sur eux-mêmes.
En demandant aux disciples de Jean d’aller rapporter ce qu’ils voient, Jésus trace un programme magnifique : défendre ceux que personne ne défend, redonner de la dignité à ceux qui n’en ont pas, soulager ceux qui souffrent. Dans une phrase lapidaire, Jacques Gaillot, évêque au blason redoré par le pape François, torturé dans sa propre personne, a reconnu que ce message évangélique a quitté les Églises.
À votre contemplation : le martyr, le don de sa vie, fait partie de la vie du chrétien. C’est à ce sens que peuvent s’entendre les paroles de Jésus : allez rapporter ce que vous voyez. Et que peuvent voir de nous ceux qui nous regardent vivre ? AMEN.
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