Année A : samedi de la 4e semaine ordinaire (litao04s.20)
Mc 6, 30-34 ; 1 R 3, 4-13 : revivons de l’intérieur
L’appel de Jésus, venez à l’écart, est mal compris si nous y voyons une proposition d’offrir des vacances à ses disciples de retour de mission. C’est plutôt un appel à se donner cette sagesse de choisir entre l’activisme ou la confiance.
Il faut se mettre à l’écart pour être sage en se dépouillant de tout ce qui s’est ‘‘collé’’ à nous en route et qui rend plus pénible toute notre marche[1]; cette sagesse d’être fidèle à l’évangile plutôt qu’à des structures qui risquent de nous paralyser. Avec le temps, nos structures finissent par prendre un air de vieux (cf. Joie de l’évangile, no 26).
À l’écart, pour réaliser que la meilleure parole à offrir, à s’offrir, est celle d’être transformé par la Parole qui donne vie à nos paroles humaines ; pour éviter de prononcer des paroles creuses, vides de sens sur Jésus. L’écart est une mise au tombeau pour en sortir créature nouvelle.
L’écart en nous permettant de nous observer soi-même, de nous examiner de tous les côtés ouvre sur cette sagesse, jamais atteinte, de ne pas chercher à régner sur les autres en les opprimant. Il est bon d’entendre cette générosité que Dieu nous adresse : je te donne un cœur sage et intelligent comme personne ne l'a eu avant toi et comme personne ne l'aura après toi (v. 11-12).
L’écart n’est pas d’abord un lieu. Jésus veut sortir ses disciples du pragmatisme utilitaire (Pape François). Il souhaite seulement ne pas les voir contaminés par l’agitation, mais animés d’une grande vie intérieure qui rend l’homme plus humain (Jean Chrysostome). Jésus invite les siens, non à devenir quelqu’un d’autre, mais à être ce qu’ils sont dans leur profondeur. Deviens ce que tu es, disent les thérapeutes du désert. N’est-ce pas la sagesse à demander à l’heure de l’hypersollicitation ?
Jésus ne veut pas de disciples souffrant d’hyperactivité, un problème neurologique qui entraîne inattention, impulsivité, humeur explosive, intolérance et frustration ni de disciples qui appuient leur vie sur l’éphémère, sur les apparences, sur du sable mouvant. Il les veut capables de goûter le silence, d’estimer la valeur de sa présence, de s’émerveiller devant la beauté de leur maison intérieure, de se reposer sur cette sagesse capable de discerner le bien du mal qui n’est pas une récréation, mais une recréation de nos vies.
Si nous sommes perdus derrière nous-mêmes, si nous donnons raison à la résignation, si nous approuvons toujours celui qui se plaint, si nous accusons les autres de nos malheurs ecclésiaux, c’est que le moment est venu de réanimer notre proximité avec Jésus qui nous conduira à vivre d’une proximité nourrissante avec les autres. Sans ces deux proximités, nous risquons d’être des disciples embourgeoisés.
Demeurer avec Jésus, goûter sa présence en nous, cultiver une relation personnelle, de cœur à cœur avec lui, l’écouter, contempler son visage, imiter sa manière de vivre est la seule pierre angulaire pour éviter de percevoir la réalité actuelle de la foi sur le plan de la « collapsologie » ou de l'effondrement.
À bien lire ce récit de Marc, nous percevons qu’il présente un condensé de nos vies de disciples. On y observe un jeu de mouvements, de départs et de retours, d’envois et de rassemblements, de disparitions et d’apparitions, de pertes et de retrouvailles, d’embarcations et d’atterrissages dont le point d’orgue se trouve dans la dernière phrase : alors il se mit à les instruire, longuement. S’arrêter pour se laisser instruire.
Aujourd’hui, on peut affirmer que Jésus est un ami de la vie (Sg 11, 21) parce qu’il a fait, à l’écart, l’expérience d’un Abba, qui était lui-même ami de la vie. C’est dans le secret de son intimité avec le Père que Jésus a nourri son projet de royaume. Demandons cette sagesse de la vigilance qui nous détachera du moi-robot de notre culture. AMEN.
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