Année C : samedi de l’octave de Noël (litcn00s.18)
Lc 2, 22-35 : Syméon au temple
En cette octave de Noël, la liturgie nous invite à regarder un couple, Marie et Joseph, entrant dans le temple pour poser un geste attestant qu’ils sont fidèles à la loi du Seigneur. Au temple, ils présentent à Dieu avec leur enfant, le sacrifice des pauvres (cf. Lc 2, 24).
En présentant à Dieu leur premier né, ce couple confirme en cela son oui initial au projet de Dieu sur lui au moment de leur annonciation réciproque (cf. Mt 1, 18-25; Lc 1, 24-38). La joie de ce couple a un visage : ne pas retenir pour lui Jésus. Son geste atteste que Jésus se garde en le donnant. Un couple, un jeune couple, éprouve la joie de ne pas étouffer leur enfant en le gardant pour eux tout seul. L’amour d’un enfant atteint une profondeur inégalée lorsqu’on le donne à Dieu. Dans les mots de Khalil Gibran que je paraphrase, Marie autant que Joseph, et plus encore que n’importe quel couple, savent que leur enfant n’est pas leur enfant, qu’il est le fils de l’appel de la vie. C’est dans cette direction que nous convie les textes entendus ce matin.
Cet épisode dans le temple remet en question notre tendance à garder pour soi Jésus, à ne pas le partager de peur de le perdre. Ce couple vit à l’opposé du repli sur soi. Il sait qu’il n’est pas propriétaire de son fils, mais bien un dispensateur de ce que Dieu lui a confié. Sa formule gagnante est de ne rien garder pour lui, même si le prix à payer est élevé. Plus tard, Jésus dira que celui qui veut gagner sa vie doit la donner.
Par ce geste, Marie et Joseph disent qu’il est insensé de soupçonner un instant qu’on s’habille de Dieu en le retenant, qu’on s’enrichit de Dieu en le protégeant. Ils nous proposent une autre logique que celle de notre culture, la logique de la confiance du don.
Contemplons aussi la joie sur deux autres visages, celui de Syméon et celui d’Anne; Syméon ne doutait nullement de porter dans ses bras celui dont il attendait le jour dans un monde qui n’attendait plus ce jour. Goûtons la joie de voir un humain, un vieillard définir qui sera Jésus : lumière pour éclairer les nations (v. 32), sa joie de voir au terme de sa vie l’achèvement de son attente qui constituait sa seule raison de vivre. Mes yeux ont vu ton salut depuis longtemps annoncé et promesse d’un avenir de gloire : gloire de ton peuple Israël. Partageons aussi la joie d’Anne qui se réjouit à la vue de l’enfant et qui en parle à tous ceux qui attendaient la délivrance de Jérusalem (Lc 2, 28).
En cette octave de Noël, la liturgie adresse un appel pressant aux vrais disciples de Jésus, aux vrais imitateurs de Jésus, aux vrais priants qui portent dans leurs cœurs les pauvretés du monde, aux pasteurs qui brûlent d’un zèle évangélique, aux fidèles croyants qui vivent de l’esprit de l’évangile, et non du monde, à sortir offrir à notre monde celui qu’ils portent dans leur bras avec foi et dans leur cœur avec amour.
Il est temps de sortir comme Syméon pour reconnaître, pour contempler Jésus là où il demeure dans les camps de migrants dépourvus d’hygiène; il est temps de s’arrêter près des puits asséchés de nos villes, de s’asseoir dans les bars du monde, là où se tiennent les assoiffés de joie ; il est temps de montrer celui que nous portons dans nos bras et nos coeurs, le verbe de vie que nous touchons de nos mains (1 Jn 1, 4), pour l’introduire dans le temple des cœurs ; il est temps d’attiser la foi qui dort sous la cendre ; il est temps de crier comme Anne par la vie et en parole, voici le temps des temps, voici le commencement d’un temps nouveau : oui, nos yeux ont vu le salut et nous vous l’annonçons.
Contemplons la joie de ce don de Jésus à son Père par Marie et Joseph. Cette joie ouvre sur la louange qui ne peut rester cachée. Contemplons le regard émerveillé de Syméon et celui empressé d’Anne à le faire connaître. Débordons d’enthousiasme à porter Jésus sans oublier ce que nous avons chanté tantôt; le vieillard portait l’enfant, mais l’enfant régnait sur le vieillard. Ne gardons pas jalousement pour nous-mêmes Jésus, vivons dès maintenant de la délivrance de Jérusalem. AMEN.
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