Année B : samedi de la 33e semaine ordinaire (litbo33s.18)
Lc 20, 27-40 : au matin, je me rassasierai de ta face (Ps 16(17)
Cette affaire des sadducéens en discussion avec Jésus n’est pas comme un problème casuistique (pape François) de théologiens qui ne s’entendent pas sur la nature ou l’existence de la résurrection. Ce n’est pas un piège tendu à Jésus à travers cette femme qui a eu sept maris. C’est une question vitale, fondamentale, dont la réponse dicte une manière de vivre notre présent et donne une indication pour considérer quel avenir nous est réservé.
C’est en croyant en la résurrection que les sept frères sont entrés dans la mort. C’est en croyant en la résurrection que Paul affronte la méchanceté des gens qui le déteste à mort pour sa foi. C’est en croyant en la résurrection que les vingt-et-un martyrs coptes de Libye, décapités, marchent vers la mort. Tout au long de l’histoire, des millions de gens risquèrent leur vie pour ne pas renier leur avenir de gloire.
Ce que Jésus fait miroiter à ses interlocuteurs, les sadducéens, des théologiens illuminés (Pape François, 20/04/16), n’est pas une sorte de prolongation de la vie, dans un quelconque au-delà ou une sorte d’extension du temps dans un autre temps. Le monde de la résurrection n’est pas, purement et simplement, le prolongement du nôtre. Il est un tout autre monde tout en le prolongeant. Saint Paul dira: semé corps mortel, il ressuscite corps spirituel (1 Co 15. 44). Dans sa réponse, Jésus invite à envisager la vie humaine à travers quelque chose qui est plus qu’elle, un quelque chose qui transcende l’immédiat d’un quotidien vécu terre-à-terre.
Si Luc rapporte cette histoire des sept frères, ce n’est pas pour alimenter notre discours sur l’au-delà. Jésus parle d’un autre monde, humainement inimaginable. Les enfants de ce monde prennent femme et mari. Mais […] à la résurrection [il n’y a] ni femme ni mari (v. 34-35). Ceux qui ressusciteront seront des fils de Dieu et héritiers de la résurrection. Ils vivront pour lui (v. 36 et 38). Jésus élève les regards sur autre chose que le terre-à-terre quotidien et qu’aucune conversation humaine ne peut adéquatement entrevoir.
Se contenter de théoriser sur cet autre monde met en danger ce qui est central dans l’évangile. Cette page, mille fois plus simple que ce qu’en disent les théologiens, devrait nous faire vivre, même si elle est très difficile à envisager. Ne tombons pas dans le piège, celui que notre intimité avec Jésus, notre relation avec Jésus n’existe que pour le temps de notre vie terrestre.
La culture de ce qui est provisoire est tellement incrustée en nous, que cet autre monde, même si nous le professons chaque dimanche dans le credo, apparaît comme une pure illusion. Pur verbiage. Le message que Luc fait ressortir est limpide. Notre vie s’ouvre sur cet autre monde qui donne de la profondeur, de la solidité à notre quotidien. Dieu a créé le monde non pour accroître sa gloire, mais pour nous la communiquer (saint Bonaventure). Pour être tout en tous (1 Co 15, 28).
Jésus ne nous offre pas de belles paroles, des paroles pieuses, pour apaiser en nous la perspective de la mort. Il propose une parole qui étonne, qui laisse passer une lumière ténue qui peut éclairer nos nombreuses questions. Une parole qu’un psaume, véritable prière, dit magnifiquement : moi, dans ta justice, je contemplerai ta face ; au réveil, je me rassasierai de ton visage (Ps 16(17), v.15). Après avoir éprouvé le poids des horreurs de la vie, le psalmiste est assuré de la fidélité du Seigneur et qu’au matin de ce grand jour, il se réveillera en présence de Dieu.
Contemplons ces paroles du frère Roger de Taizé que je paraphrase : une clarté d’Évangile a été dégagée : la vie est là, unie à chaque être humain sans exception […] C’est comme si elle nous disait : ne sais-tu pas que je vis en toi […] et qui lui disait : toi, la Vie, tu es ma vie. AMEN
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