Année C- Samedi 5e semaine du carême (litcc05s.07)
Devenir des vases d’or ornés de pierres précieuses (Jn 11, 45-57)
Nous entrons dans le temps de l’accomplissement de la Promesse dont Lazare, sorti du tombeau, annonce le commencement. Jean nous montre l’étau qui se resserre autour de Jésus. Alors que la décision de le faire mourir a été prise, que la haine s’accroît dans les cœurs, Jésus marche vers la réalisation de la promesse dont Ézéchiel se faisait l’écho : «pour les ramener sur leur terre... pour placer au milieu de son peuple mon sanctuaire pour toujours». À l’heure où nous préparons sa pâque, Lui prépare en nous «sa demeure». Il prépare en nous les fondations pour y établir son «sanctuaire». Sa Pâques a pour effet d’introduire en nous son Royaume. «Quand Dieu entra dans sa passion, c’était pour placer au plus profond de nous son Royaume» (Saint Éphrem). Nous sommes convoqués à le laisser agir, à le laisser s’offrir pour nous en «faisant mémoire», mémoire de son désir d’habiter en nous. Nous sommes convoqués à nous incorporer à son combat, à habiter son chemin comme nous le verrons tout au long de cette journée, dont l’effet sera de nous laisser «habiter» par lui. Qui, autre qu’un Dieu, peut agir ainsi ?
Si autour de Jésus la décision de le tuer est irrévocable, une autre décision aussi irrévocable préexistait à celle-là : le désir de Dieu de réintroduire en nous «son sanctuaire». Ézéchiel ajoute : «Alors, les nations sauront que je suis le Seigneur» (1re lect). Le temps de la mort de Jésus est un temps de retrouvailles avec notre beauté première. Le temps de la souffrance innommable d’un Dieu, innommable de la Trinité, est un temps qui nous transforme «en vase d’or orné de pierres précieuses»(Si 50,9). La décision de faire mourir Jésus transforme chacun de nous en «vase spirituel». Étonnement suprême !
Notre regard tout au long de cette semaine peut s’arrêter sur ce qui se passe, sur ce que vit Jésus. Il doit aussi porter sur ce qui se passe en nous. Nous sommes transformés en «vase d’or», dignes d’accueillir le sang versé de Jésus. La nature de Dieu est de se donner. La nôtre est de devenir «vase d’or» capable de recevoir ce sang divin, cette vie donnée, livrée. Nous n’avons pas à sortir de nos temples, de nos cœurs, pour nous unir à sa passion. Parce que Sa passion habite nos cœurs.
Jésus se donne en «sacrifice» pour que nous sacrifiions ce qui n’est pas Dieu en nous, pour que nous purifiions nos vases, nos coeurs pour qu’ils redeviennent des vases d’or. Des cœurs en or. En entrant dans sa Passion, Jésus achemine l’humain que nous sommes vers sa réalisation. Ce mouvement de transformation qui nous fait «demeure», «sanctuaire», Augustin en parle dans les mots de son époque, comme une conversion. Maître Eckhart, un des meilleurs lecteurs d’Augustin, privilégie le détachement. Par son entrée à Jérusalem, Jésus nous «détache» de nos cœurs pourris, de nos cœurs de pierres, pour les remplacer par son cœur divin.
Ce qui est important pour notre journée qui commence, c’est que cette décision de faire mourir Jésus, c’est la nôtre ; cette décision qui confirme l’échec de son repas pascal, - sa famille, ses amis l’ont laissé à lui-même, abandonné - est le chemin, dans les beaux mots de Maxime le Confesseur, «pour devenir par grâce ce que Dieu est par nature». Le renier, c’est Lui faire la grâce de nous gratifier. Dieu a pris chair, «le Verbe s’est fait chair pour habiter en nous». Pour redorer nos demeures «de pierres précieuses». Pour nous faire humer un parfum précieux.
«Pourquoi sommes-nous baptisés, pourquoi Dieu s’est-il fait homme ? – ce qui fut le plus sublime - se demande Maître Eckhart à la suite d’Augustin - pour que Dieu naisse dans l’âme et que l’âme naisse en Dieu». C’est pour cela que Jésus monte à Jérusalem. C’est pour cela qu’il a créé le monde : afin de naître en nous. «Ils habiteront les pays que j’ai donnés à mon serviteur Jacob, le pays que leurs pères ont habité»(1re lect). «Il a fait sa demeure en nous». «Qui sommes-nous ?»demande saint Bernard. «Je ne puis le dire qu’avec respect :nous sommes son sanctuaire». Quand pour Jésus la souffrance devient intolérable, il trouve en nous un lieu de repos, un lieu qui fait que sa souffrance devient tolérable parce que nous sommes là près de lui comme si nous étions près d’un malade souffrant.
Que dire de plus ? Des souffrances qui nous transforment en beauté, une mort qui élimine notre mort. Oui, «cet homme accomplit» aujourd’hui encore, «un grand nombre de signes». Plutôt que de rater sa vie en cherchant à la sauver, il préférait la réussir en la donnant. C'est pourquoi il entre à Jérusalem. C’est pourquoi il nous a donné l’eucharistie à la veille de sa Passion.
À votre contemplation : Notre regard, porté sur Jésus en ces jours saints, est fait d’admiration. D’étonnement aussi. Ce qu’il faut saisir : le regard de Jésus porté sur nous qui accueillons sa demande de redevenir des «vases d’or» est tellement ravissement pour Lui qu’il nous «rend, par grâce, participants de la nature divine en nous faisant communier à son corps et à son sang» (Oraison finale). Amen.
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Jésus se donne en «sacrifice»
pour que nous sacrifiions
ce qui n’est pas Dieu en nous,
pour que nous purifiions
nos vases, nos cœurs
pour qu’ils redeviennent
des vases d’or,
des cœurs en or.
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