2025-C : samedi de la 4e semaine ORDINAIRE (litco04s.25)
Mc 6, 30-34- combattre ou cultiver l’écart.
Quelle délicatesse que cette invitation de Jésus aux siens de se retirer à l’écart ! Pourquoi ? Parce que nous pouvons perdre Jésus de vue. C’est pour cela qu’ici vous partez, disparaissez, vous vous éloignez des autres pour un temps de retrait, de retraite pour ne pas perdre Jésus de vue. Trouver Jésus n’est pas une activité à ajouter à nos activités quotidiennes. Nous aimerions dire à Jésus reste avec nous, Seigneur. Mais nous ne pouvons pas acheter sa présence. Elle se reçoit.
Même en se retrouvant tous les jours et plusieurs fois par jour au chœur pour chanter sa présence, même en célébrant chaque jour cette eucharistie, vous et moi pouvons perdre Jésus de vue. La finale de l’évangile nous montre que le travail ne manque pas. Ce qui risque de nous manquer, c’est de perdre Jésus de vue. L’écart qui n’est pas la solitude n’est pas quelque chose à combattre, mais à cultiver. Il nous conduit à notre vrai moi. L’agitation peut cacher une fuite de nous-même.
Henri Noowen écrit avec justesse que la solitude est le lieu de la grande lutte et de la grande rencontre - la lutte contre les contraintes du faux Soi et la rencontre avec le Dieu aimant qui s'offre comme la substance du nouveau Soi.
Il y a une bonne solitude que Jésus a lui-même recherchée. Tout l’évangile nous montre un Jésus qui a besoin de l’intimité avec son Père, mais aussi de l’amitié de Marthe et Marie. Même s’il n’est jamais seul (Jn 8, 29) dit-il, même s’il pressent qu’il a un travail sacré à faire, un sacré travail, Jésus a besoin de se retrouver à l’écart. De vivre connecté à son Père. Il faut du courage pour mettre en suspens l’impératif de solidarité et l’urgence de bâtir un univers de paix. Il ne s’agit pas de recharger nos batteries. L’écart est chemin pour avancer très loin dans notre capacité d’être proche des autres. Jésus a pris ce chemin (Von Balthasar).
Un appel à ne pas perdre Jésus de vue. Les parents de Jésus ont eux-mêmes perdu leur fils de vue durant trois jours. Pourquoi nous as-tu fait cela ? Les disciples d’Emmaüs, collaborateurs de Jésus, l’ont perdu de vue. Nous croyions que c’était lui, le libérateur du monde. Marie Madeleine, grande amoureuse de Jésus, l’a cherché sans le trouver. Où as-tu mis Jésus ? Jésus lui-même a perdu de vue son Père. Pourquoi m’as-tu abandonné ?
Madeleine Delbrel, dans nous autres les gens de la rue (p.83), expérimente que la vraie solitude ce n'est pas l'absence des hommes, c'est la présence de Dieu. Il faut du temps pour comprendre cela, pour y saisir toute la finesse qui s’y cache. Elle est béatitude pour qui sait l’habiter.
Je le répète, quelle délicatesse que cet appel. Jésus voit l’immensité du travail. Il voit aussi le besoin de siens et non seulement l’énormité de la mission. Jésus laisse parler ses « entrailles ». Il voit ses apôtres comme des brebis sans berger qui errent dans la vie, incapables de trouver ce qui va nourrir leur vie. Et Il se mit à les enseigner longuement (Mc 6,34).
À votre contemplation. En nous appelant au repos, Jésus nous sauve d'une illusion. C’est se surestimer que de se croire indispensable. Qu’il est humain ce Jésus de Marc, le seul à nous raconter cet épisode d’appel à l’écart, qui nous met en mode arrêt pour que nous puissions nous rassasier, nous régaler en autant que possible, de lui. Tellement amoureux de nous ce Jésus, qu’il nous offre maintenant son pain de vie. AMEN
Ajouter un commentaire