2024-B-Lc 18, 9-14- samedi de la 3e semaine CARÊME- prier, c'est descendre.

Lc 18, 9-14 : prier, un chemin de descente.

 

Évitons d’abord la classifier entre bonne ou mauvaise la prière de nos deux priants. Dépassons tout jugement sur la qualité de la prière de deux personnalités très différentes. N’arrêtons pas nos regards sur leur position en avant ou à l’arrière du temple. Privilégier l’attitude d’humilité du publicain risque d’atténuer notre empathie envers le pharisien et de nous détourner, comme l’écrivait Simone Weil parlant du carême, de cette loi fondamentale de toute vie : la descente en soi-même.

 

Il est peu courant de lire cette parabole comme un puissant appel à descendre plutôt qu’un appel à l’humilité. Nous sommes guidés en cela par Jésus lui-même. Sa vie ne fut qu’une descente jusqu’à s’agenouiller pour laver les pieds des siens avant d’être élevé au plus haut des sommets de sa vie : la croix. Cette parabole nous propose un mouvement moins recherché que celui de monter toujours plus haut. L’humilité peut aussi devenir un chemin pour monter plus haut, un chemin pour vantardise.

 

Descendre, si c’était cela l’appel du carême. Si c’était cela prier, un rendez-vous avec soi-même en prenant le temps de créer en nous un espace de silence. Cet espace n’est pas facultatif pour qui veut devenir une créature nouvelle. En nous, il y a plus que nous. Il y a plus grand que nous. Il y a un trésor à découvrir. Le royaume est au-dedans de vous.

 

Nos deux priants ont un rendez-vous avec eux-mêmes. Dans le temple, ils ne se mentent pas. Les deux sont sincères. Les deux nous montrent leur état d’âme. Dans l’évangile attribué à Thomas, on fait dire à Jésus et cela s’adresse à nos deux priants si vous faites naître ce qui est en vous, cela vous sauvera. Si vous ne le faites pas [cela] vous détruira. Dans le temple en présence du Dieu de leur foi, ils font naître ce qui est en eux. Ils font remonter à la surface ce qui les ronge.

 

Pour progresser dans la vie, dans la spirituelle aussi, il faut d’abord identifier, nommer avec précision le mal intérieur. La première démarche est de vouloir voir la réalité[1]. La première chose à faire pour éviter la paralysie est d’entreprendre un long processus de changement. De guérison. Nos deux priants veulent changer de vie. Ils sont en mode prière, en mode conversion, en mode révision de leur vie. Ils veulent se libérer de leur attachement à eux-mêmes. Cela implique une lutte. Tu n’auras pas un autre Dieu que moi (Ex 20, 3).

 

Pour des raisons différentes, nos deux priants se préoccupent plus d’eux-mêmes que de prier. L’un identifie qu’il souffre d’autoréférence : moi, moi, moi et l’autre qu’il vit étouffer par ses faiblesses : impuissance, impuissance, impuissance. 

 

Une écoute empathique, contemplative et un regard respectueux nous font rencontrer deux personnes qui ont touché le fond du baril et qui veulent sortir du tombeau de mort où ils étouffent pour vivre une vie nouvelle. Ils veulent libérer leur vie de leur attachement, de leur esclavage. Leur chemin diffère, mais autant le pharisien en avant bien visible que le publicain blotti dans un coin à l’arrière désirent être en paix avec eux-mêmes. La prière qui ne produit pas la paix n’est pas authentique. Acquiers la paix intérieure et des milliers autour de toi trouveront le salut (St Séraphim de Sarov).

 

En se retrouvant dans le temple avec des attitudes différentes, nos deux priants découvrent que la paix ne se trouve ni dans l’autoréférence ni dans l’impuissance, seulement dans la descente dans leur profondeur. Dans le temple, ils sont en mode changement, descente vers la « résurrection », vers Pâques.

 

 Cette parabole trace le chemin de toute prière. Pour acquérir Dieu, on doit d’abord tout perdre. Le chemin vers Dieu est une descente (Diva Borsotti). Notre société nous fait sentir plus à l’aise en montant qu’en descendant.

 

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