Année A : mercredi de la 4ersemaine du temps ORDINAIRE (litao04me.23)
Mc 6 1-6 : la victoire est dans l’échec.
Et si ce nul n’est prophète dans son pays, c’est de chacun de nous qu’il s’agit. Lorsque Dieu est au centre de notre vie, quand nous éprouvons en nous sa présence, se produit un désir de faire connaître ce que nous éprouvons. Cela est vrai de Jésus dans sa première prise de parole dans le temple. Il rencontre beaucoup de réticence.
C’est au milieu de cette rébellion que Jésus fait voir tout le génie de l’évangile. Dans le temple, Jésus est trop bien connu comme le fils de Marie pour être écouté comme un prophète. Il se situe dans la longue lignée de prophètes comme Jérémie, Ézéchiel, Isaïe, Moïse, qui ont affronté beaucoup de résistance. Contrairement à eux qui résistèrent ou voulurent s’échapper, l’attitude de Jésus laisse suggérer une façon d’avancer qui inclut la défaite.
Devant la rébellion contre lui, Jésus prend le chemin le moins fréquenté : la victoire est dans l’échec. Nous connaissons bien l’expression de deux pas en avant et d’un pas en arrière. Reculer nous donne de l’énergie pour aller de l’avant. L’échec fait partie intégrale de l’annonce de l’Évangile. Cela court à chaque page de l’évangile.
Nous l’observons peu, l’échec transforme en profondeur. C’est l’expérience de Paul qui a vu son ego de persécuteur, formé à la meilleure école, se transformer dans un nouveau moi (cf. Ep. 2, 15 ; Ga 6, 15). Il se voit envoyé pour transmettre un message de réconciliation (cf. 2, 5, 8).
Le « nouveau » Paul devient un signe de contradiction, un signe prophétique tant son « ancienne » personne lui colle à la peau. Les siens ne l’ont pas reçu. Il ne fut pas prophète auprès des siens. Son charisme prophétique vient de sa propre conversion, de sa propre transformation. Sur la route de Damas, Paul est tellement plongé dans le mystère de celui qu’il persécute qu’il ne voit plus rien. Il aura sa vie durant à lutter contre cette écharde dans la chair (2 Co 12, 7), contre cette tentation de revenir à son ancien moi.
Vous et moi n’avons pas été formés pour entrevoir notre façon de vivre notre foi comme un chemin prophétique. Pourtant, Paul place ce chemin comme le deuxième plus important des dons de l'Esprit.
Le mot ne signifie pas de prévoir comme nous l’entendons souvent dire. Il suggère une vie de combat. Celui de prendre de l’altitude pour éviter de s’installer dans la désolation. Celui d’être aspiré par la beauté de ce qui ne se voit pas à première vue. Celui de la contemplation. Nous souffrons vite de myopie. Nous ne savons plus contempler le génie de l’évangile qui clame que la victoire est dans l’échec. Quand je suis faible, je suis fort. Nous voyons l’opacité de nos nouvelles quotidiennes. Apprendre à voir la lumière au milieu des ténèbres n’est pas facile. C’est, dit le poète Fred Pèlerin, dans la pénombre que la lumière est belle. C’est dans la contemplation de son Père sur la montagne que Jésus trouve son énergie.
Le chemin du regard prophétique de Jésus inauguré dans le temple, celui d’avancer malgré l’échec, engage à faire résonner un grand projet d’amour, de changement de paradigme, de conversion (un mot qui passe mal). C’est le cœur du cœur de la bonne nouvelle. Comment cela va-t-il se faire ? En regardant la réalité en face, sans détour, en écoutant les cris du peuple assiégé, en parlant aux gens le langage du cœur. C’est le cœur qui parle au cœur, rappelle le grand saint Vincent de Paul.
(Le message du pape François pour la 57e journée mondiale des communications sociales invite les journalistes à bien voir la réalité, à bien écouter pour parler avec le coeur[1]. )
En conclusion, retenons ceci : acceptons d’être prophètes au milieu de l’opacité actuelle. Continuons à dire du neuf, à voir du beau à l’horizon même si nous avons été catalogués par nos proches et qu’on n’attend plus rien de nous. AMEN.
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