Année A : samedi de la 30e semaine du temps ordinaire (litao30s.23)
Lc 14, 1.7-11 : le phénomène Jésus.
Que l’aventure commence. Jésus propose un nouvel art de vivre, celui ni de descendre plus bas ni de monter plus haut, mais celui de l’entraide, de l’égalité. Il inaugure un mouvement collectif, un mouvement citoyen dirions-nous, pour remplacer nos regards de bas en haut ou de haut en bas, pour celui de se prendre la main, de vivre main dans la main et décider ensemble ce qui est meilleur et d’en faire l’expérience.
Ce mouvement où chacun prend sa place ne vise pas l’obtention de plus de pouvoir, seulement de plus d’auto-responsabilité. Chacun est fait part. C’est vivre en mode synodalité, la manière privilégiée de Jésus. Le seul futur envisageable pour Jésus est celui de la fraternité. Il remplace le mot coopération par coresponsabilité.
Ce qu’évoque Jésus dans cette parabole, c’est lui-même. Lui qui, invité dans l’humanité, s’est ingénié à y prendre simplement sa place, celle non d’écraser les autres par son pouvoir, mais de vivre une solidarité sans faille. C’est pourquoi Dieu l’a exalté et lui a donné le Nom qui est au-dessus de tout nom (Ph.2,9). Il a osé la bienveillance (Lytta Basset), un mouvement qui part du cœur et arrive aux yeux, aux oreilles et aux mains. Se servir de nos yeux pour voir l’autre, de nos oreilles pour l’écouter, de nos mains pour lui exprimer notre tendresse, c’est ça l’humilité. C’est oser exister en relation avec les autres.
Pour Jésus, toute vie humaine, pas seulement la vie chrétienne, inclut tout le monde et chacun est coresponsable des autres. Dans la joie de l’évangile, le pape affirme que nous sommes tous connectés les uns aux autres. Charles de Foucauld reconnaît que personne ne peut agir comme Jésus ni ne peut lui enlever sa joie de n’être que solidaire de tout le monde. Frère universel.
En accueillant le pape François à Washington, le président Obama disait : l’excitation de votre visite doit être attribuée non seulement au rôle que vous jouez comme pape, mais à vos qualités uniques en tant que personne. Dans votre humilité, votre simplicité, dans la gentillesse de vos paroles et la générosité de votre esprit, nous voyons en vous un exemple vivant des enseignements de Jésus […] vous bousculez notre autosatisfaction[1]. Que votre lumière luise ainsi devant les hommes afin qu’ils voient vos bonnes œuvres et qu’ils glorifient votre Père qui est dans les cieux (Mt 5,15).
Cette attitude de relation égalitaire, de gentillesse, de bienveillance, se dessine dans la petite voie de celle qui est la sainte la plus connue et la plus aimée dans le monde[2]. Thérèse place au centre de sa vie, l’attention aux autres jusque dans les moindres petits gestes. Le récit de sa vie nous enseigne que ce chemin est un combat contre l’amour-propre sous toutes ses formes […] et [que] je ne dois pas [lui] laisser un instant de repos (Jean XXX111). Tous les jours, observe Martin Luther, chacun s’efforce de s’élever au-dessus de sa propre condition, recherche une position honorifique, la puissance, la richesse, la domination, une vie tumultueuse et tout ce qui est grand et superbe (Martin Luther). Nous oublions que la force des chevaux n’est pas ce qu’il aime ni la vigueur des guerriers ce qui lui plait (Ps 146, 10-11).
Être à sa place. Bien vivre la place que nous avons, voilà ce que veut Jésus pour nous. La prière eucharistique IV contient une perle. Elle reprend Saint Paul : afin que notre vie ne soit plus à nous-mêmes, mais à Lui qui est mort et ressuscité pour nous et elle ajoute – et là est la perle - Il a envoyé d’auprès du Père l’Esprit-Saint.
Ce travail permanent de décentrement est l’œuvre en nous de l’Esprit de Dieu. Quand nous faisons fausse route à écouter l’Esprit de Dieu, nous tombons dans l’abîme de pouvoir sur l’autre qui engendre la violence où tout se défait. Le plus grand danger ne réside pas dans les choses, dans les réalités matérielles, dans les organisations, mais dans l’inclination de l’être humain à s’enfermer dans l’immanence de son moi, de ses intérêts mesquins. Ce n’est pas un défaut de notre époque, cela existe depuis que l’homme est homme et, avec l’aide de l’Esprit, il est possible d’y remédier (Fratelli tutti, # 166). AMEN.
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