Année C : mercredi de la 12e semaine ORDINAIRE (litco12me.22)22 juin
Mt 7, 15-20 ; rêvons d’un beau fruit.
Il y a toute sorte de fruits : ceux que l’on cueille pour s’en nourrir, que l’on savoure avec joie ; ceux que l’on rejette parce que rabougris et qui empoisonnent nos regards. Il y a des fruits qui embellissent nos saisons, d’autres nous font désespérer si nous ne savons pas leur donner une année de plus avant de les arracher (cf. Lc. 13, 7).
Jean de la Croix, pour qui sait s’en approcher même de loin, attire notre attention sur le désir de Dieu qu’aucun désir immédiat, matérialiste ne semble étouffer. Matthieu présente ce désir sous l’image d’un beau fruit à porter. Quelqu’un, plus exactement quelqu’une, Mirabai Starr, philosophe des religions, parle de ce désir comme un aimant, le plus précieux du monde, qui est entré dans nos vies et dont le baiser d’amour ne nous quitte jamais. Cet aimant est aussi un amant qui nous attire vers ce qui est beau, succulent.
Les actes que nous accomplissons, les paroles que nous prononçons, les comportements qui nous définissent, les manières de penser qui structurent nos attitudes et jugements, sont les fruits de chacune de nos journées que les autres peuvent voir, toucher, apprécier ou repousser.
Ce désir de porter un beau fruit monte constamment de nos profondeurs. C'est tout ce qui restera de nous. Il nous tient en éveil même si nous semblons de ne pas nous en soucier, de vouloir servir deux maîtres. Il agit en nous comme une sorte d’énergie viscérale qui nous colle à jamais à la peau.
Questions : Quels fruits Jésus nous laisse-t-il ? Quel fruit pousse sur l'arbre de ma vie ? Quels fruits d'Évangile se voient dans ma vie ? Une autre question est rarement posée, d’où vient ce désir de beaux fruits qui nous colle comme un amant indéracinable ?
La réponse est sans équivoque : des racines de l’arbre, de ses profondeurs, de l’endroit où il est planté. On ne parle que très peu des racines. On préfère contempler les fruits. Pourtant, tout beau fruit repose sur des racines. Un poète exprime bien cela : tout ce qu’a l’arbre de fleuri lui vient de ce qu’il a sous terre.
Il faut risquer aujourd’hui de retrouver les racines de notre foi. Risquer de retrouver qu’avant Pâques, Jésus a fait de belles choses. Il a posé de beaux gestes à transmettre de génération en génération. Ne confisquons pas cette lumineuse page en tamisant une vie aux beaux fruits que fut la manière de se comporter de Jésus au milieu des siens, traversant une époque troublée de leur histoire. D’ailleurs, existe-t-il une époque non troublée ?
Le premier beau fruit que nous laisse Jésus porte sur sa conception de Dieu, autrement Dieu (Raphaël Buyse). Aujourd’hui, les évidences sur lesquelles nous avons construit notre foi tombent les unes après les autres. Si je veux connaître un homme, il faut chercher celui vers lequel sa vie est secrètement tournée, celui à qui […] il parle, même quand apparemment, il s’adresse à nous. Tout dépend de cet autre […] auquel il s’adresse en silence […] pour l’amour duquel il a fait de sa vie ce qu’elle est[1].
Et Jésus, quel beau fruit à contempler, est entré dans notre histoire pour nous sortir de nos détresses. Il avait trois préoccupations : nous voir en santé, capable de partager nos tables et nous inviter à des relations plus fraternelles (José María Castillo). Il a dit oui à l’humain en n’hésitant pas à « brutaliser » au passage des attitudes ancestrales comme la priorité du sabbat sur l’humain. Il en a payé le prix.
Un autre beau fruit de ce Jésus d’avant Pâques, fut son souci de prendre soin des fruits moins savoureux. Il leur a même consacré tout son temps. Il n’avait pour eux aucun dégoût, aucun ressentiment, aucune animosité, seulement le souci de leur laisser une année encore (cf. Lc 13, 8).
Redécouvrons le livre de la Parole (1ière lect), déchirons nos images « théistes » de Dieu, reformatons autrement Dieu. Chacun de nous est appelé à être artisan de paix, à porter de beaux fruits qui unissent au lieu de diviser, qui étouffent la haine au lieu de l’entretenir, qui ouvrent des chemins de dialogue (cf. Ft # 284). AMEN.
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