Année C : samedi de la 4e semaine ordinaire (litco04s.22)
Mc 6, 30-34 ; être une hypothèse de Dieu.
C’est un appel à rencontrer Dieu que suggère ce passage dans un endroit désert. Mais une question surgit : faut-il chercher Dieu dans la solitude ou dans les relations humaines ? Les deux voies sont valables. Ici, vous avez choisi la voie du retrait, du silence comme Thérèse de Lisieux. D’autres priorisent l’action, l’implication comme un François Xavier et tant d’autres. Évitons tout dualisme. L’un ne va pas sans l’autre.
Il y a aussi une troisième possibilité, plus exigeante, qui est de rencontrer Dieu dans la solitude, dans un endroit désert et aussi dans le contact au milieu de la foule ou plus exactement « au milieu des problèmes », sans prétendre les résoudre et sans se laisser submerger. Trouver un rythme approprié d’alternance, comme le flux et le reflux des marées sur le rivage, est une « tâche » de tous les instants.
Oui, nous pouvons rencontrer Dieu, l’expérimenter au contact des gens. Dieu demeure dans tous les cœurs même du plus grand pécheur du monde (Jean de la Croix). C’est notre union à Dieu dans un endroit désert qui donne de l’intensité, de la saveur à notre rencontre des autres. C’est aussi notre présence quotidienne au milieu de la foule qui rend nécessaire un temps de retrait pour se « refaire ».
Évitons le danger de comprendre cet appel à nous rendre dans un endroit désert comme un appel à s’enfermer dans son cocon à la manière du ver à soie, à s’installer dans la quiétude comme un refuge pour rester dans le confort et la sécurité, à éviter les défis évangéliques jusqu’à étouffer en nous la compassion du bon Samaritain (Cf. Lc 10, 25-37). Si cet endroit désert résonne comme un appel à perdre sa vie pour la sauver (Cf. Mc 8, 34-35), nous sommes dans le mauvais camp. Nous nous trompons de chemin.
L’endroit désert n’est pas un lieu d’excursion où l’on peut faire un pèlerinage, accomplir ses dévotions. Il n’est pas un lieu pour nous évader dans un ailleurs qui ne repose pas ni de divertissement qui exige de se reposer quand on en sort. Paradoxe, l’endroit désert n’est pas de tout repos. Il est le chemin qui peut donner sens à sa vie. L’homme ne s’est jamais autant reposé qu’aujourd’hui, et pourtant, il n’a jamais autant fait l’expérience du vide qu’aujourd’hui! [1]
Rencontrer Dieu, faire l’expérience de Dieu sera toujours dérangeant, disent les mystiques. L’endroit désert ébranle nos envies de retrouver une vie de cocon tant il nous fait entendre avec clarté qu’être au milieu des gens c’est à moi que vous êtes présent. C’est moi que vous nourrissez. C’est moi que vous soulagez de la tristesse qui habite les cœurs (Cf. Mt 25).
Ne défigurons pas le sens de l’endroit désert. Nous pensons être dans le camp des apôtres et répéter les paroles de Pierre : nous avons tout quitté pour te suivre (Mc 10,28). La réalité est souvent que nous sommes dans le camp de l’homme riche (Mc 10, 21) : une seule chose te manque pour avoir un trésor dans le ciel. Laquelle ? Le chrétien croyant, dit Madeleine Delbrel, parce qu’il est croyant, pose par sa vie au milieu des gens une hypothèse de Dieu, là même où il n’y a plus d’hypothèse de Dieu.
Que je sois en mode retrait ou en mode contact, l’essentiel est de « communier » à l’A(a)utre. Et communier exige une forme de décentration de soi pour être avec l’autre, pour être avec l’être de l’autre. Nous n’avons pas tout quitté, nous ne sommes pas sur le chemin de la perfection quand écrit Jean de la Croix, on ne se quitte pas complètement pour Dieu et pour les autres (Montée du Carmel, livre 3 chap. 28).
Saint Paul en s’adressant aux Corinthiens leur dit : nous sommes le temple du Dieu vivant, comme Dieu l’a dit lui-même : J’habiterai et je marcherai parmi eux, je serai leur Dieu et ils seront mon peuple (2 Co 6, 16). Que ce soit dans un endroit désert ou au milieu des gens, l’essentiel est d’expérimenter Jésus, d’être comme lui, autant intime avec son Père que présent aux défis d’aujourd’hui pour y semer son projet évangélique. AMEN.
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