Année C : samedi de la 4e semaine du CARÊME(litco4s.22)
Jn 7, 40-53 ; Jr 11, 18-20 : tuer Jésus n’est pas tuer son rêve.
Dès que l’on partage nos connaissances sur Jésus, nous nous retrouvons devant une belle « macédoine ». Nous sommes tous différents et nos regards sur Jésus le sont. Nous sommes des croyants « multicolores ». Chacun est appelé à être attentif à la diversité des charismes (1 Co 12, 4-11) et compétences à exercer entre nous. Il est stérile d’affirmer que nous possédons la même compréhension de la mort de Jésus. C’est la di-versité de nos réponses sur le qui suis-je, sur le sens de sa mort qui répand le parfum et la beauté de Jésus de Nazareth.
Aucun d’entre nous ne peut ramasser dans une seule formulation, fût-elle dogmatique, le Jésus de l’histoire. On le disait prophète, Messie, Galiléen. On se divisait sur son identité. Il n’est plus possible aujourd’hui de fixer nos représentations sur Jésus à celle de l’école primaire, d’une théologie qui analyse tout à partir d’en-haut.
On se divise, se dispute sur l’identité de qui est Jésus, non pour se faire la guerre, non pour imposer une dé-finition, seulement pour s’approcher à pas d’oie de sa personne, seulement pour manifester sa vitalité et vivre de son Esprit qui continue d’agir à travers les époques et les cultures.
Et nous qui allons entrer dans cette grande semaine de la passion, avons-nous une claire idée du pourquoi de la mort de Jésus ? La seule certitude historique que présentent les textes bibliques est que Jésus a été crucifié après un procès plus truqué que réel (Cf. Mt 27 :33-35). Jésus lui-même annonce à plusieurs occa-sions sa fin tragique (Mt 17 :22-23). Des témoins oculaires, le centurion romain, les soldats qui ne lui brisè-rent pas les jambes, des femmes, des historiens comme Tacitus, Josephus, attestent la mort de Jésus.
Si le fait de la mort de Jésus est historique, le pourquoi de sa mort divise les évangélistes. Plusieurs motifs sont indiqués. Pilate avait des motifs politiques, il n’y voyait aucun motif de condamnation, il s’en lave les mains (Mt 27, 24). Il répondait à une « commande » des chefs religieux qui n’avaient pas le pouvoir de con-damner à mort. Les membres du tribunal du Sanhédrin divergeaient d’opinion : non-respect du sabbat, fré-quentation des exclus, des pécheurs publics, pardonne les péchés réservés à Dieu, prophétise la destruction du temple. Chez saint Jean, c’est le geste de chasser les vendeurs du temple qui fut l’occasion de sa mort. Si nous le laissons continuer, tous croiront en lui (Jn 11,48).
Aujourd’hui, on se divise sur la dimension « expiatoire » planifiée et acceptée par le Père, pour se réconcilier le monde. Jésus est-il mort pour payer une dette ? Pour nos péchés ? Pour nous prouver son amour ? Pour nous ouvrir le ciel ? Sa mort appartient, dit le catéchisme catholique (#599), au mystère du dessein de Dieu […], au dessein divin de salut par la mise à mort du Juste (#601). Cette musique millénaire du sacrifice de Jé-sus n’est plus entendue.
Une autre porte s’ouvre sur le pourquoi de la mort de Jésus. Il ne respecte pas la lettre de la Loi, il travaille le jour du Shabbat, il relativise le Temple, il critique les bien-pensants, c’est un ivrogne et un glouton, un héré-tique et un samaritain. Il ridiculise à l’occasion les docteurs, les gens sérieux, les détenteurs du savoir et du pouvoir. Il a le souci de réconcilier et de sauver ceux qui sont perdus, de rejeter le formalisme et l’hypocrisie des dirigeants religieux, vous dites et ne faites pas. Il introduit une logique de cohésion sociale, à l’opposé de celle qui est en place. Il promeut une société multiculturelle inclusive (son royaume), réfute une religion axée sur le visible, n’exhorte la foule à être de bons pratiquants en se soumettant aux normes de la loi, autant de motifs soulevés pour sa condamnation. Ce sont les fake news qui ont condamné Jésus.
Le grand humanisme de Jésus qui laissait voir qu’il venait de Dieu, a empêché les soldats de mettre la main sur lui. Jamais personne n’a parlé comme lui. En désirant tuer Jésus, les membres du Sanhédrin oubliaient que tuer un homme, ce n’est pas tuer son rêve (Sébastien Castellion (1515-1563). Le rêve de Jésus qui fait ce qu’il voit faire de son Père (Cf. Jn 5, 19) que la bible appelle son royaume n’est pas tuable.
Sa mort est le point d’aboutissement de sa trajectoire de vivre avec les autres, pour les « sauver » d’une vie misérable. Trois mots ont servi de motif à la condamnation de Jésus : compassion, tendresse, proximité. Toute personne qui adopte ce style connaît le même chemin. AMEN.
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