Année B- samedi de la 25e semaine ordinaire (litbo25s.21) 25 sept.
Lc 9, 43b-45 ; Za 2, 5-9.14-15a : vers un nous toujours plus grand.
Un mot est au centre de l’Évangile, mot que les premiers chrétiens ont placé au centre de leur foi : pour nous. Pour nous Jésus annonce l’arrivée d’un « nous » toujours plus grand, d’une société “en couleurs”, enrichie par la diversité et les relations interculturelles[1] qu’il appelle son Royaume. Pour nous, il nous laisse le meilleur de sa musique humanitaire (Bruno Mori) qui l’a conduit à une fin de vie atroce (Cf. Ph 2, 7). Pour nous, il se montre à ses disciples sur la route d’Emmaüs et il se fait nourriture (Cf. Jn 6, 56).
Dans son encyclique sur la fraternité, le pape François définit le contour de ce pour nous : avec Jésus il n’y a pas les « autres », mais plutôt un « nous » (Cf. Ft # 35). Le centre de la bonne nouvelle est d’unifier se « nous » brisé et fragmenté, blessé et défiguré. Cela se réalise quand nous choisissons de vivre son humanisme évangélique (Joseph Moingt) en sachant que cela nous conduit au même sort que lui.
Jésus n’a qu’une idée en tête que le pape François résume dans son message pour la journée des migrants 2021 : vers un nous toujours plus grand et ajoute Jean afin que tous soient un (Cf. Jn 17, 21). Jésus ne veut pas que ses disciples succombent à la tentation de la toute-puissance, celle de vivre avec pour seul horizon leur petite personne, de désirer être à sa droite ou à sa gauche, de bâtir un mur entre eux et les autres.
Ce nous toujours plus grand n’atteint pas ses disciples pourtant étonnés de voir Jésus refuser l’engouement que sa présence suscite, de ne pas rechercher être estimé, reconnu, apprécié, louangé. Il s’enfuit même quand la foule veut le faire roi (Cf. Jn 6, 15). Jésus leur répète que son itinéraire finira mal. Il affirme que c’est votre avantage que je m’en aille […] si je ne pars pas, l’Esprit ne viendra pas en vous ; si je pars, je vous l’enverrai (Cf. Jn 16,7)
À plusieurs reprises Jésus annonce à ses disciples qu’il finira mal et qu’il en sortira ragaillardi, le 3e jour. Finir mal non comme l’exprime une certaine théologie parce que c’est le chemin pour apaiser la colère de son Père. Finir mal parce qu’il dérange le statu quo de la société de son temps. Le père dominicain Louis-Joseph Lebret (1897-1966) écrit, sous forme de prière, ce qui empêche ses disciples à comprendre l’annonce de sa mort.
O Dieu, envoie-nous des fous qui s’engagent à fond, qui oublient, qui aiment autrement qu’en paroles, qui se donnent pour de vrai et jusqu’au bout. Il nous faut des fous, des déraisonnables, des passionnés, capables de sauter dans l’insécurité. Il nous faut des fous du présent, épris de vie simple, amants de la paix, purs de compromission, décidés à ne jamais trahir, méprisant leur propre vie, capables d’accepter n’importe quelle tâche, de partir n’importe où[2].
Y a-t-il plus belle présentation de Jésus que cette prière ? C’est une définition très forte de tout disciple. L’annonce de sa mort déçoit ses disciples qui y voient un signe de faiblesse. Derrière moi, Satan, tes vues ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes (Cf. Mc 8, 33). Cette parole s’adresse à nous en ces heures troubles de notre Église. Il ne s’agit plus de fantasmer sur sa toute-puissance, d’espérer la revoir en haut du pavé dans la société d’hier.
Ce chemin-là, les disciples ne sont pas disposés à le prendre. Il leur a fallu être des témoins de la réalisation de cette folie de Jésus pour les rendre à leur tour, assez fou pour imiter Jésus. Sur le tard, ils ont compris que l’heureuse nouvelle s’annonce dans la mesure où l’égo disparait. Elle exige une déprise de soi pour être comblée d’une Présence, la sienne. Là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur. Sommes-nous prêts à vivre cela ? La lecture tantôt parlait d’une ville sans frontière, sans murs de division parce que Dieu habite au milieu d’eux.
À votre contemplation, pour nous. En se faisant proche de ceux dont personne ne veut voir sur son chemin, il fut rejeté et condamné. Ce nous toujours plus grand, c’est le grand projet évangélique d’hier, d’aujourd’hui et de demain. L’évangile ne fait que commencer. AMEN.
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