Année B- mercredi de la 25e semaine ordinaire (litbo25me.21) 22 sept.
Lc 9, 1-6 ; Esd 9, 5-9 : refusons le principe de précaution.
Le poète Rainer Maria Rilke écrit que sa production littéraire provient de l’admiration la plus immédiate de la vie, d’un étonnement quotidien, inépuisable devant elle. Il reprenait à sa façon l’intuition de Socrate pour qui l’étonnement est à la base de toute vie si l’on veut qu’elle ne soit pas blasée.
Il me semble que les rédacteurs des évangiles partageaient la même vision. L’étonnement est à la base de leur effort à rapporter des faits et gestes accomplis par Jésus. Nous venons d’entendre l’histoire de l’étonnement des disciples envoyés sans aucun outil médical, guérir sur la route. Cela a tellement étonné les évangélistes qu’ils en ont parlé dans leurs écrits.
Jésus n’envoie pas assiéger les autres par des discours apologétiques. Il n’envoie pas crier au visage des autres des contenus révélés. Il n’a pas besoin de spécialistes en organisation. Non, n’emportez rien de cela. N’emportez pas des vérités toutes faites. N’emportez pas des réponses toutes faites et déclinées dans des mots devenus insignifiants, non significatifs des conciles du 4e siècle.
Ne rien emporter parce que la Parole de Dieu ne s’emporte pas dans une valise parce qu’on la porte en soi, on l’emporte en soi (Madeleine Delbrel). Il n’y aurait nul besoin de parole, si notre vie brillait ; pas besoin de mots, si nos actes témoignaient. Il n’y aurait pas de païens, si nous étions vraiment des chrétiens (saint Jean Chrysostome).
Ce qui étonnait hier continue encore et même tellement plus aujourd’hui. Le rien emporté est délaissé pour le principe de précaution. C’est une déviation de l’inouï de l’évangile. C’est lui enlever sa force thérapeutique.
Ne rien emporter. S’adressant à la conférence des évêques italiens en mai dernier (2021) [1], le pape observe qu’une décision prise en 2015 tarde à se concrétiser, justement parce qu’on emporte, s’attache à beaucoup de choses devenues inaudibles. Il fait allusion à l’attitude de toujours partir d’en haut (du pouvoir) plutôt que de se mettre en mode synodalité (de service et d’écoute). Il ajoute l’Esprit a besoin de nous donner un coup de pied à la table, la jette et recommence. Ne rien emporter contient l’inouï de l’esprit du christianisme.
Combien de fois disons-nous qu’il faut des changements radicaux dans notre Église dont l’institution est en perte de vitesse, mais nous continuons à emporter beaucoup de choses devenues désuètes. Ce nous, c’est moi inclus. Nous succombons vite à la tentation de privilégier un langage figé dans du béton immuable plutôt que celui du neuf de l’évangile. Nous faisons tout pour que l’irruption du neuf se réduire à la répétition du vieux. Non choisir la Tradition pour privilégier l’inventivité ni l’inventivité au lieu de la Tradition. Entre les deux se trouve un chemin d’évangile. Jésus utilise une autre image pour nous inviter à ne rien emporter, celle de ne pas coudre du neuf sur du vieux (Cf. Lc 5,36).
Allons plus loin. Ne rien emporter de nos définitions toutes faites du qui suis-je ? Donnons-lui aujourd’hui une réponse, mais une réponse qui vienne du cœur. Nous tous, donnons-lui une réponse qui vienne du cœur[2]. Il faut passer d’une opinion sur Jésus à témoins, d’admirateurs à imitateurs. Nous pouvons donner des avis et des opinions, avoir de grandes idées et de dire de belles paroles sur Jésus. À quoi sert tout cela, si nous ne mettons pas notre vie en jeu, notre foi en jeu en nous déclarant par le cœur pour Jésus. Dieu n’a pas à être démontré, mais montré. C’est ce qui s’appelle mettre sa vie en jeu.
Nos conversations font l’éloge du passé dont nous sommes admirateurs. L’Évangile nait de l’étonnement qui sera toujours contraire à une attitude de blasée. Il est une naissance quotidienne à l’inouï d’une bonne nouvelle qui a le visage de montrer Jésus plutôt que le démontrer. AMEN.
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