Année B : samedi de la 29e semaine ordinaire (litbo29s.21)23 oct.
Lc 13, 1-9 ; Rm 8, 1-11 : le fléau de toujours accuser les autres.
Quand nous regardons autour de nous, nous voyons perturbation après perturbation. Cela peut pousser au découragement. Pour agir, il faut croire que notre action peut améliorer une situation, croire que nous pouvons contribuer à changer quelque chose. La multiplicité des événements catastrophiques à répétition et le ton constamment négatif des reportages engendrent un pessimisme qui entraine la démobilisation. On ne doit pas oublier que nous sommes de la génération de la restauration (Pape François). À quoi bon d’agir ?
Jésus dans l’évangile de la tour de Siloé et du figuier se fait plutôt journaliste de solutions. Il se fait reporter d’espoir, promoteur d’une bonne nouvelle quand il dit que les dix-huit personnes ne sont pas pires que vous. Il ne dit pas : ils l’ont bien mérité, ces Galiléens. Il refuse l’attitude généralisée de toujours blâmer les autres. Ce syndrome est bien installé dans nos vies. Il suffit souvent d’un simple événement pas toujours catastrophique pour réveiller la surabondance d’inhumanité qui dort en nous.
Le dissident devenu président de la République Vaclav Havel dans une lettre de sa prison à sa femme que si l’on a des exigences étonnamment lourdes vis-à-vis des autres, c’est généralement le signe infaillible que l’on n’est pas prêt à les assumer soi-même.
Nous passons notre temps à affirmer que si quelque chose va mal, c’est parce que le monde est mauvais. Vite, une neuvaine. Cet aveuglement laisse songeur. Nous distribuons des blâmes, mais blâmer les autres, c'est perdre son temps (pape François). L’attitude de Jésus vise à arrêter la dégradation folle de toujours accuser les autres. Sa réaction montre sa grande humanité. Il responsabilise plutôt qu’enfoncer le clou de la déresponsabilisation. Il sait faire émerger des événements extrêmement pénibles un beau projet, dirions-nous aujourd’hui, innovant. Il appelle à réanchanter le regard, à y ajouter de la couleur, à se libérer d’une anthropologie mutilée (Michel Maxime Egge).
Le message de la tour de Siloé est limpide : repenser notre mode relationnelle aux événements, aux autres. Repenser nos images de Dieu qui a des projets de paix et non de malheur (Cf. Jr 29,11). Repenser jusqu’à faire nôtres ces paroles du poète Gibran : au-delà du voile noir de la nuit, une aube nous attend. Dieu ne nous a pas mis dans un monde où tout était pipé d’avance.
Pour dissiper le voile noir de la nuit, Jésus nous propose un projet inédit, libérateur : celui de se cesser d’accuser les autres souvent prétexte à ne pas agir sinon nous périrons tous pour avoir massacré notre maison commune. La seule chose qui compte pour Jésus est d’arrêter ce massacre de l’humanité par elle-même. D’empêcher notre autodestruction. D’arrêter nos idées noires sur les autres en regardant les nôtres. Quelqu’un qui s’affirmait incroyant disait que la charité consiste moins à vouloir du bien aux autres qu’à les trouver tous magnifiques et à ne pas se rassasier de les voir.
Pour nous dire cela, l’évangile utilise un mot qui passe plutôt mal dans notre culture, celui de convertir nos regards, de changer de discours. Jésus propose de s’auto regarder. Ce chemin n’est pas linéaire. Il est loin d'être acquis une fois pour toutes. C’est en zigzaguant qu’on parvient à se responsabiliser. Nous nous tenons loin de ce regard du vigneron qui n’est pas pressé d’arracher le figuier : laisse-le cette année encore, peut-être donnera-t-il des fruits à l'avenir.
Cette attitude de Jésus ne cherchant pas des coupables est un appel à se déconnecter du voile noir de nos nuits, pour regarder avec l’Esprit de Jésus. Pour ceux qui sont dans le Christ Jésus, il n'y a plus de condamnation (Cf. Rm 8, 1). Si l’Esprit de Dieu habite en nous, nous ferons des choses nouvelles, dit Paul. Nous bâtirons entre nous une culture de la rencontre plutôt que d’accusation et nous toucherons et palperons la chair des personnes affectées et blessées (Cf. Fratelli tutti, N° 261). AMEN.
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