Année B mercredi de la 26e semaine ordinaire (litbo26me.21)
Jn 1, 47-51 ; Dn 7, 9-10.13-14 les saints anges
Nous avons beaucoup entendu parler ces derniers temps des « anges gardiens ». Ces personnes visitaient en tout temps ou presque ceux et celles qui, durant la pandémie, avaient besoin d’aide, de soutien, d’encouragement ou d’une simple présence. Ces « anges gardiens » se tenaient, pour utiliser une expression biblique, en tenue de service auprès des emprisonnés de la pandémie, des esseulés de nos hôpitaux, des désorientés de nos systèmes d’immigration, des abandonnés des radeaux à la dérive.
On les dit aidantes, accompagnatrices, répondantes. Elles étaient et sont des intermédiaires, des défenseurs des délaissés, des porte-voix de leur besoin. C’est aussi la vocation que donne la mythologie aux anges. Ils sont des intermédiaires envoyés par quelqu’un d’autre. Ils coopèrent à l’arrivée de quelque chose d’inédit. Ils annoncent un événement imprévisible. Gabriel annonce l’inouï à Marie, aux bergers de Noël. Raphaël, rapporte le livre de Tobie, l’accompagne sur la route jusqu’auprès de Sara qu’il épouse. Michel, le plus connu, combat les forces du mal, selon le livre de Daniel.
Ce n’est pas leur présence qui pose questions. C’est plutôt l’image qu’ils donnent de Dieu qui risque de rebuter. Ils présentent un Dieu extérieur au monde, lointain, habitant au ciel. De là-haut ce Dieu tout-puissant voit tout, dirige tout, juge tout. Il a une mémoire vertigineuse pour retenir nos bons coups et surtout nos mauvais aussi.
Depuis ce savant Galilée au 17e siècle, cette image de Dieu ne parle plus à la culture d’aujourd’hui, à notre compréhension de l’histoire du monde. Il n’y a pas deux mondes : celui d’en haut et celui d’en bas. Il ne faut pas choisir l’un ou l’autre, mais plutôt y découvrir l’un dans l’autre et vice-versa.
À ceux qui craignent que cette lecture par en bas affecte la transcendance de Dieu, le théologien Moltmann affirme que la transcendance de Dieu ne supprime pas ni n’aliène notre vie présente. La mission des anges est de nous sensibiliser aux choses de Dieu. Leur manière de nous le montrer rebute notre culture où tout est vu à partir d’en bas.
Personne ne peut atteindre Dieu par lui-même. Pour nous chrétiens, il y a les écritures, les anges, mais surtout il y a le Verbe fait chair dans la crèche de nos pauvres mots humains. Jésus est la médiation première pour connaître le père. Sa présence est un fait historique, même si l’on se dispute sur sa nature.
Jésus ne nous présente pas l’image d’un père tout-puissant, dominant, écrasant. L’idée d’un Dieu tout-puissant, responsable de la pandémie pour nous punir, vient d’une lecture, a-t-on écrit, hétéronome ou théocentrique, d’un dieu d’en haut, extérieur au monde. Notre culture favorise une approche dite autonomie où c’est à partir de nos réalités humaines qui nous rencontrons un Dieu plus intérieur à nous que nous-mêmes exprime saint Augustin[1] qui l’avait longtemps cherché en dehors de lui, dans les frivolités et plaisirs de toute sorte. C’est tout un changement de regard.
Que l’on croie ou pas aux anges, il ne s’agit plus de se disputer Dieu, mais de le partager. Le temps n’est plus à se quereller sur le chemin à prendre pour rencontrer Dieu. Il faut partager nos chemins dans le respect mutuel. Le dire avec nos mots humains qui seront toujours inadéquats. Dieu est au-delà des mots ; au-delà de tout ce que nous imaginons sur lui.
À votre contemplation. Jésus nous révèle un Dieu proche de nous, avec nous. Un Dieu qui est le plus proche de mes proches, le plus intime de mes amis, mon plus que frère, plus que mon jumeau. Il est mon frère du dedans, celui qui tisse en moi son image, unique, toujours unique, toujours à retisser du dedans.
C’est ce Dieu que nous présentait la lecture tantôt sous l’image déroutante des quatre bêtes. Un Dieu qui est qui se tient dans nos cœurs troublés, dans nos eaux usées pour les purifier de sa présence. Oui, seigneur, tu es un Dieu proche, plus proche de nous-mêmes que nous-mêmes. Amen.
[1] L’auteur Roger Lenaers décrit bien cela dans son livre un autre christianisme est possible, Golias, 2011, chap. 2
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