Année A : mercredi de la 2e semaine du carême (litac02me.20) 11 mars
Mt 20, 17-28 ; Jr 18, 18-20 : la puissance de l’échec et l’échec de la puissance.
Il faut avoir des oreilles et ne pas les utiliser pour ne pas entendre que l’instinct de grandeur ne se marie absolument pas avec l’esprit de l’évangile. Jésus parle de sa mort, montons à Jérusalem, ses disciples, eux, cherchent à être promus à la première place, à être à droite ou à gauche dans ton royaume.
Jésus parle d’un chemin qui conduit à la résurrection. Les disciples se voient déjà immortalisés. Jésus parle de service, les disciples de privilèges. La liste des tensions entre l’esprit de Jésus et les attentes des disciples est très longue. Détailler cette liste prolongerait indûment le temps consacré à cette réflexion.
Matthieu, en regroupant ces deux chemins opposés, celui de Jésus optant pour monter à Jérusalem et celui des disciples recherchant des promotions immédiates, décrit que suivre Jésus est un combat. Jésus propose plus que de bien vivre. Il suggère de vivre autrement, de vivre de la Vie d’un autre en moi, de vivre en servant les autres, en donnant de sa propre vie. Ce chemin se nomme vivre en ressuscité. Il est et sera toujours un combat permanent.
Et ce thème du combat tombe bien en cette période du carême. Il peut se décrire ainsi : celui de la puissance de l’échec et l’échec de la puissance. Que comprendre ?
L’échec de la puissance est celui de la recherche de la gloire, de la domination, de l’argent. Celui de la recherche de sécurité, de confort, de plaisir assuré, de tranquillité, de facilité, d’autonomie que le pape François appelle dans une rencontre avec les prêtres du diocèse de Rome en 2018, les maladies spirituelles du monde, la voie de la méritocratie[1]. Celui de croire que si nous ne sommes pas forts, séduisants, beaux, personne ne s’occupera de nous. Conséquence : c’est l’anesthésie de la conscience où nous assistons à la mondialisation des puissants et à l’élimination des «pauvres», ces Lazare couverts de plaies à qui on refuse la moindre miette de pain (cf. Lc 19,13-31), non par mauvaise volonté, mais simplement parce qu’on ne les voit pas derrière des portes barricadées.
La puissance de l’échec est celle de l’arrivée du poète de la compassion[2] selon la belle expression de José Pagola, pour qui les mérites, les critères, les petits calculs mesquins ne comptent pas. Avec lui, ce qui est humainement inimaginable, les exclus, les malades, les opprimés obtiennent toute son attention. Je suis venu pour les rebuts (Mc 2, 17; Lc 5, 32). Avec lui, nous assistons à la montée en première place des petits dont le Père ne veut pas qu’un seul soit perdu (cf. la parabole de la brebis égarée) et à la réinsertion sociale des «impurs» à qui il adresse la meilleure des nouvelles : le royaume est arrivé entre vous.
Le monde de Jésus est celui où les aveugles voient, les sourds se mettent à communiquer leur joie, les paralytiques se servent de leurs mains et de leurs pieds pour danser de vie. C’est le temps de mourir à ce moi pour que vive en moi un autre moi, meilleur pour moi que moi-même (Thérèse d’Ávila, Les exclamations, no 16).
De nos jours, selon Isaïe, nous vivons un véritable combat : choisir ou la vie ou la mort, choisir la logique de la mondialisation sans respect pour la maison commune ou celle d’être dispensateur de vie en offrant l’hospitalité à celles et ceux qui tombent sur le bord de la route.
L’apôtre Paul parle de ce combat quand il écrit aux Éphésiens (6, 11-12): revêtez l’armure de Dieu pour être en état de tenir face aux manœuvres du Diable. L’armure de Dieu a le visage de la miséricorde.
Faisons nôtre cette prière du psaume 30 entendu tantôt: tu m’arraches, Seigneur, au filet qu’ils m’ont tendu ; oui, c’est toi mon abri. En tes mains je remets mon combat. Je suis sûr de toi, Seigneur, je dis : tu es mon Dieu! Mes jours sont dans ta main : délivre-moi des mains hostiles qui s’acharnent. AMEN.
Autres réflexions sur le même passage :
[1]http://w2.vatican.va/content/francesco/fr/speeches/2018/may/documents/papa-francesco_20180514_incontro-diocesi-diroma.html
[2] Pagola, Jose Antonio, Jésus approche historique, Éd. Cerf, 2019
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