Année A : samedi de la 6e semaine ordinaire (litao06s.20)
Mt 16, 13-19 ; 1 P 5, 1-4 : élargir notre champ de vision
Dans l’exhortation Chère Amazonie, le pape François refuse de porter un regard organisationnel sur l’Église. Il préconise d’élargir le champ de vision pour éviter de réduire notre compréhension de l’Église à des structures fonctionnelles (n. 100). Nous vivons actuellement non pas une crise structurelle, mais une crise de la foi. Si nous n’arrivons pas à un véritable renouvellement de la foi, toute la réforme structurelle demeurera inefficace, disait le pape émérite à des évêques allemands.
Il faut élargir notre champ de vision. Il ne cesse de rejeter une vision trop structurelle de l’Église qu’il associe au cléricalisme, expression d’un abus de pouvoir. Depuis le début de son pontificat, autant l’exhortation sur la joie de l’évangile et que dans celle chère Amazonie, il affirme sa volonté de ne pas cléricaliser les laïcs, ni de laïciser les clercs. Il refuse cette tendance réductionniste de voir la chaire de Pierre comme une simple organisation comme les autres. Il se dit serviteur d’une voix, celle de l’Évangile.
Son style de vie simple, son ouverture et son accueil inconditionnel, sa capacité d’aller à la rencontre de toutes les cultures laissent deviner que la chaire de saint Pierre est plus qu’une mémoire, répétée annuellement. C’est un peuple qui, par la voix de Pierre, avance plus profondément dans cette tâche de bien communiquer Jésus, de bien le présenter pour ne pas en trahir son identité. Jésus n’est pas que le fils de Joseph (cf. Mc 6, 1-6). Il est comme une fleur fragile qui cherche à s’épanouir au milieu des pierres de la violence (Message de la journée mondiale de la paix, 2019).
Pour (re)devenir crédible, il faut que toute «chaire de saint Pierre», que toute parole de Dieu (2 Pi 4,11) que nous sommes par notre baptême, puisse offrir une parole qui parle. Il faut dérouiller notre langage en retournant à la source qu’est Jésus fait chair, parole incarnée dans une terre et une culture différente de la nôtre. Il faut se débarrasser d’une parole bonne, mais étrangère[1], du langage des dogmes, de celui du catéchisme catholique qui résonne comme une parole qui ne parle plus. Il faut décléricaliser la Parole.
Est-ce que notre parole parle ? Offrons-nous plutôt une parole qui ne passe plus ? Une parole qui parle n’est pas une parole de bonnes réponses à donner. C’est une parole née de l’écoute des questions posées. C’est une parole contemplée, longuement méditée. Devant la Parole, il n’y a pas ceux qui savent et ceux qui ne savent pas. Il n’y a que des chercheurs de Dieu. Maurice Blondel écrivait déjà en 1893 qu’au moment où l’on semble toucher Dieu, il échappe […] Partout où l’on reste, il n’est pas ; partout où l’on marche, il est […][2].
Cette fête de la chaire de saint Pierre est celle d’un peuple qui chacun individuellement, personnellement répond à la question de Jésus sur son identité. Si notre réponse est celle d’une doctrine ou celle des autres, elle ne sera que pauvre et partial. Il ne suffit pas de connaître Jésus, de parler de lui, de savoir qu’il est présent dans nos vies. C’est une rencontre vraie avec le vivant qui transfigure l’existence.
Je paraphrase ce que disait l’épitre de saint Jacques hier : à quoi peut bien servir nos belles définitions sur Jésus, si notre vie, nos œuvres ne sont pas au rendez-vous. Les démons croient aussi en Dieu. Cette fête est celle du peuple de Dieu dont la foi qui n’est pas morte est une action permanente qui parle Dieu, qui dit un Dieu incarné. Un Dieu non abstrait, mais qui fait sens. Il ne suffit pas de déclarer que Jésus est fils de Dieu. Cette déclaration conduit à une nouvelle manière de vivre, à des manifestations continuelles de compassion. Si votre foi n’est que théorique, elle n’est pas la foi en Jésus. Quand je vois dit le pape François, des chrétiens trop propres qui ont toutes les vérités et qui sont incapables de se salir les mains [...] je leur dis :vous n'êtes pas chrétiens, vous êtes théistes [..] vous n'êtes pas arrivés au christianisme (21/02/20)
En conclusion, une question : demandons-nous si ceux que nous rencontrons voient sur nos visages la joie d’être des chaires de saint Pierre, d’être des paroles de Dieu ? Nous pouvons offrir la meilleure des organisations, mais sans la joie d’être des paroles de Dieu, la bonne nouvelle n’est pas annoncée.
Ce qui nous met en liesse (Ps 46,5) est une parole, celle qui, bâtie sur le roc, ne peut être cachée (Mt 5, 12). A
Autres réflexions sur le même passage :
https://www.diocesevalleyfield.org/fr/a-lire-pour-vivre/2008-chaire-de-pierre-et-paul-mtt-16-13-19
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