Année A : mercredi de la 26e semaine ordinaire (litao26me.20)
Lc 9, 57-62 ; Jb 9, 1-12.14-16 : où se tient Jésus ?
La question que je me pose en préparant cette réflexion est très actuelle. Où Jésus se rencontre-t-il ? Où le trouve-t-on ? Jésus marche dans sa Galilée lorsque quelqu’un lui offre de faire route avec lui. Puis un autre. Et un autre. C’est là qu’il rencontre les gens. Jésus accepte d'être dérangé alors qu’il est fort occupé à faire la promotion de son grand projet de fraternité et de solidarité. Jésus ne dit pas : tu viendras demain à telle heure, je suis occupé. Non, il prend le temps de converser avec un inconnu, d’écouter ce qui le pousse à lui. Il ne pose aucune question de curiosité en demandant par exemple: connais-tu la loi ? Pratiques-tu la loi que les rabbins enseignent ? Aucune question de ce genre. Jésus s’arrête pour saluer, converser avec ceux qui s’adressent à lui, sans arrière-pensée de les convertir à son projet.
C’est à partir de sa chaire privilégiée, la rue, que Jésus fait connaître son rêve, son seul rêve, sa bonne nouvelle : les temps sont accomplis, le royaume arrive chez vous. Ce projet, Jésus l’annonce sans les habits usuels des chaires des temples, sans apparat distinctif d’une classe sociale, celle des dirigeants religieux ou civils, sans titre universitaire ou de docteur l’autorisant à intervenir en public. Il partage son rêve avec tout le monde : riches et pauvres, instruits et analphabètes, hommes et femmes. Ce qui scandalise les notables, c’est que Jésus ne considère pas les impurs comme des exclus, mais comme des invités privilégiés au banquet du salut, selon ce que vient d’exprimer le nouveau répertoire de catéchèse de juin 2020.
À lire les évangélistes, Jésus malgré un agenda dépourvu de tout rendez-vous, ne perd pas son temps pour autant en se tenant loin des chaires des synagogues et des docteurs de la loi. Même s’il ne planifie rien, s’il est, dit-on, libre comme l’air, il a du temps, beaucoup de temps pour les autres. À tous ceux qui l’arrêtent pour jaser avec lui, à ceux qui le questionnent sur son identité, qui sont en recherche, Jésus, sans les encourager à aller écouter les docteurs de la loi, leur propose un chemin : suis-moi. Luc mentionne certaines raisons de leur refus : enterrer un parent, prévenir d’abord sa famille, terminer son travail de récolte du blé. Il faut être aveugle pour ne pas nous reconnaître dans leurs tergiversations.
Il est tellement occupé à se laisser rencontrer qu’on le dit malade (il a perdu la tête, Mc 3, 20-21), qu’il ne prend pas le temps de manger (cf. Mc 3, 20), qu’il doit s’enfuir de nuit au désert pour se reposer et pour prier.
Ce n'est pas tant sur cette description de l’agir de Jésus qu’il faut porter notre regard, c’est sur le lieu où Jésus se tient : le chemin. Il n’est pas ici, il est en Galilée (Mt 28, 6), dit l’ange au matin de Pâques. Jésus se tient là où il y a plein de monde. Au milieu de la foule. Les églises vides sont un signe qu’il faut se tenir ailleurs. Il est facile de voir que si le nombre de «résidents» diminue, la «rue» déborde de chercheurs de Dieu.
Cessons de faire une démarcation entre ceux qui croient et ceux qui ne croient pas. Il n’y a que des chercheurs de sens, de Dieu, qu’ils soient des «résidents» ou des «non-résidents», fréquentant des lieux de culte ou pas. Le Jésus présenté par Luc et les autres évangélistes nous oblige à élargir les limites des lieux de chercheurs de Dieu. Le premier lieu où Jésus se tient est le chemin, la Galilée dont parle Matthieu.
Jésus ne vit pas au milieu de la splendeur des temples. Il passe sa vie en chemin, dans un hôpital de campagne, là où se tiennent des gens physiquement, mentalement, socialement, spirituellement affligés, se rendant accessible à toutes les personnes, athées et agnostiques, «adorateurs» de son projet comme à ses détracteurs.
L’attitude qu’il privilégie dans son hôpital de campagne n’est pas celle de l’arrogance cléricale des rabbins, mais celle de l’écoute, de la compassion. Ce sont des avenues de guérison. Jésus sait aussi se laisser enseigner comme l’indique la femme en perte de sang (Mt 9, 20). Voilà le changement radical de regard qui s’impose.
Nous plaindre des églises vides, tergiverser sur nos empêchements à suivre Jésus ou sur la pauvreté du contenu doctrinal des homélies ne fait qu’éloigner l’Église, nous détourner de notre première mission : être hôpital de campagne.
Jésus ne se contente pas de soulager les souffrants. Comme médication, il suggère, c’est aussi la mission de tout hôpital de campagne, quelque chose de beau sans l’imposer : suis-moi. AMEN.
Autre réflexion sur le même passage :
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