Année A : mercredi de la 31e semaine ordinaire (litao31me.20)
Lc 14, 25-33 ; Ph 2, 12-18 : appelés à déconfiner nos engagements familiaux.
Notre compréhension de ce qu’est être chrétien, de suivre Jésus et de vivre en chrétien dépend de notre idée de Dieu. Notre réponse va conditionner la manière de vivre notre foi. Celui qui parcourt l’évangile même d’une lecture rapide observe facilement que Jésus ne vit pas les yeux fixés sur le ciel. Jésus n’a pas annoncé Dieu. Il a annoncé l’arrivée d’un royaume que nous spiritualisons beaucoup parce qu'il devient ainsi moins dérangeant.
Par de multiples gestes et paraboles, Jésus se fait promoteur, ad nauseam, du bien-être de ses concitoyens écrasés par l’envahisseur romain. Voyant sa convivialité, il n’y a pas de signe plus évident. Il mange souvent avec toutes sortes de personnes (cf. Mc 1,31; 2, 15; Lc 7, 37; 19,5; 19,39, etc.), même celles de mauvaise vie (cf. Mt 11,19; Mc 2, 15-17; Lc 15,1-2, etc.).
Comme si de rien n'était, Jésus jette un grain de sable dans une culture de séparation entre le pur et l’impur. Il se positionne assis au milieu des gens et non en haut dans une chaire de prédicateur. Il montre, et cela choque les tenants d’une religion «désincarnée», qu’un véritable culte à Dieu se vit dans la solidarité, le respect et l’égalité entre tous. Quand vous avez visité l’étranger et que vous avez nourri l’affamé, c’est à moi que vous l’avez fait (cf. Mt 25, 31-45).
Les chrétiens qui ont toujours le nez en l’air, axé sur le ciel, n’ont pas ce regard sur Jésus. Leur vie de foi est vécue comme une «sortie», un «éloignement» des problèmes du quotidien. Ils spiritualisent tout. Leur prière prend une forme de désengagement, de détachement.
Suite à la pandémie, dans une série de catéchèse pour guérir le monde, le pape dit que les chrétiens se reconnaissent par leur proximité avec les petits, les exclus, ceux dont on peut bien se passer, ceux qui sont en trop, qui sont privés de nourriture, de vêtements, qui vivotent dans des camps de réfugiés. Cela est le critère clé d’authenticité chrétienne (Evangelii gaudium, no 195). Chaque chrétien est appelé à être instruments de Dieu pour la libération et la promotion des pauvres (Evangelii gaudium, no 187).
Jésus se fait solidaire de son monde et de tout le monde. Il se met debout même un jour de sabbat. Il se fait tellement défenseur des exclus qu’il est vu comme un révolutionnaire et condamné à mort parce qu’il combat une pandémie toujours actuelle, un «gros» virus, celui des inégalités sociales. Pour éviter la propagation de ce virus contre lequel il n’existe aujourd’hui aucun vaccin à l’horizon, il se fait champion non du confinement, mais de la solidarité. Ce travail de construire sur le roc de la solidarité n’est pas encore terminé.
La pandémie cache une beauté; elle nous dévoile une foule d’anges gardiens, de personnes engagées, de croyants sans renommée et sans histoires, qui ne sont pas des mangeurs de curé, mais bâtissent leur vie sur du solide en luttant contre l’idéologie du moi d’abord.
Relisez l’évangile de ce matin. Il dit exactement la même chose avec des mots d’une autre époque, des mots peut-être trop connus pour que nous y portions attention. Jésus parle d’élever les regards, de regarder pas seulement sa famille, mais autour de soi. Il invite à élargir nos regards plutôt que de privilégier la culture familiale, celle de l’exclusion, du favoritisme, du protectionnisme qui mine trop souvent le message évangélique. L’un des pires esclavages est celui de vivre pour soi-même, de vivre replié dans son petit univers et qui finit par laisser peu d’espace pour les autres. Quelqu’un qui n’est pas capable de s’apercevoir que l’autre existe, qui n’est pas ému par sa situation, qui devient indifférent à toutes les scènes de désolation ne peut être disciple de Jésus.
Dans la lecture, Paul fait observer aux Philippiens qu’au nom du service des communautés il s’est détaché de Timothée qu’il considère comme un frère et qui au contraire de tant d’autres, ne s’inquiète pas de ses propres affaires. Timothée a fui une voie large et spacieuse (cf. Mt 7, 13). Il a tout quitté. Ceux qu’on appelle les anges gardiens ont tendu leurs mains plutôt que de rester les bras croisés, indifférents comme l’exprimait le pape à l’occasion de la deuxième journée mondiale des Pauvres[1].
L’Évangile est une bonne nouvelle qui transforme et met en route; elle n’est pas une idéologie qui conforte des acquis et nous installe dans une vie toute centrée sur Dieu, ne percevant pas son visage dans les autres. Il ne s’agit plus avec Jésus de dire je pense donc je suis, mais je suis humain, donc responsable. AMEN.
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