Année A : mercredi de la 5e semaine du carême (litac05me.20) 1 avril
Jn 8, 31-42 ; Dn 3, 14-20.91-92.95 : maître de la loi ou maître de la vie ?
À chacune des pages des quatre évangiles se dégage un affrontement entre deux façons de vivre en «religieux» : avec un cœur endurci ou avec un cœur compatissant.
Le cœur endurci est un cœur idolâtre qui ne voit pas les autres. Vous avez des yeux et ne voyez pas (cf. Mc 8, 18). Jésus observe chez ses interlocuteurs qu’un cœur endurci conduit à des litiges, à la guerre, à l’égoïsme, à la destruction du frère, à oublier la générosité de Dieu, sa gratuité offerte à tous. Ce cœur est sans cœur, sans compassion.
Un cœur compatissant rend libre, définit une nouvelle manière de vivre en «religieux» et ouvert à tous sans exception. Cette ouverture aux autres, aux gens indignes, choque les «fidèles» descendant d’Abraham. Ma parole, leur dit Jésus, ne trouve pas place en vos cœurs. Jésus, en côtoyant toute sorte de gens, scandalise les cœurs endurcis, les maîtres de la loi. Il préfère se comporter en maître de la vie.
Agir avec un cœur compatissant n’a pas rendu la vie facile à Jésus parce que ses détracteurs ont des cœurs endurcis, idéologisés (pape François) où la vie n’entre pas. L’attitude de Jésus est pour eux, vrais fils d’Abraham, une véritable gifle. Il mérite la mort.
La question à se poser ce matin : d’où Jésus tient-il ce choix d’agir avec un cœur compatissant ? C’est quand il entendit au sortir de son baptême une voix qui le remue tellement qu’il s’enfuit au désert pour mieux en saisir le sens : tu es mon fils bien-aimé. Cette déclaration bascule Jésus dans un projet passionnant pour l’humanité : annoncer que le royaume est arrivé. Le croyant Jésus ne s’attend pas recevoir une telle mission, disent les sources chrétiennes.
Au désert, Jésus comprit que son Abba est un grand amoureux d’un royaume dans lequel tous les fils d’Abraham sans exception, incluant les non-pratiquants de la loi, ont des droits inaliénables. Dans l’intimité de son Père, Jésus entrevoit sa mission comme une rencontre créatrice d’une humanité nouvelle.
Rencontrer les gens de toute classe sociale (les purs ou les impurs) fut sa première et seule activité. N’est-il pas l’Emmanuel, le Dieu avec nous ? Jésus se tient dans cette zone d’en bas, pour citer Maurice Bellet. Ses paraboles dégagent sa proximité avec toutes les zones d’en bas. Chacune d’entre elles est un appel à passer d’un vieux monde à un nouveau pays plein de vie qu’il nomme le royaume. Entendre cela est fascinant; même menaçant pour le système religieux en place.
Même recherché, Jésus maintient une attitude toujours à promouvoir, celle de favoriser un aggiornamento permanent de la pratique de la religion. Jésus priorise une vie qui brille, que votre lumière brille aux yeux des hommes (Mt 5, 15) non en se faisant remarquer comme bon observateur de la loi, mais en menant une vie proche et bienfaisante pour les personnes affligées de diverses maladies. Jamais il ne favorise une vie les yeux fixés au ciel. Il préfère des croyants aux yeux fixés sur une terre qui a besoin de transformation profonde. Son convertissez-vous est à entendre comme une lutte contre toutes les formes d’injustice. C’est plus exigeant que de vivre les yeux fixés au ciel.
La première lecture, par l’histoire des jeunes gens jetés dans une fournaise ardente, illustre bien qu’agir en maître de sa vie peut exiger de choisir entre vivre ou mourir. Ces jeunes ne vivent pas courbés vers le sol comme la femme courbée de l’évangile (Lc 13,10-17). En renonçant à leur propre bien-être, non repliés sur eux-mêmes et enfermés dans leur petit univers et appuyés sur leur self love que chantent les tenants de la pensée libérale d’aujourd’hui, ils entrevoient un bonheur plus grand (cf. Jc 1, 12-13). Il n’y a pas de pire esclavage que de toujours penser à sauver sa peau. Ils préfèrent faire confiance au Dieu de leur foi. Ils appartiennent à Dieu.
Ces jeunes dans la fournaise sont les prémices (cf. Jc 1,18) d’une vie de disciples missionnaires. Heureux ceux qui supportent l’épreuve avec persévérance (cf. Jc 1, 12). Unissons nos voix à ceux et celles qui gardent le cap de la louange au milieu de beaucoup d’épreuves et qui reprennent ce cantique des jeunes : Béni sois-tu, Seigneur de gloire et de sainteté. AMEN.
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