Année B : mercredi 6e jour de Noël (litbn06me.20) 30 déc.
Lc 2, 36-40 ; 1 Jn 2, 12-17 : qui est l’enfant que porte Siméon ?
En prenant l’enfant dans ses bras, le vieillard Siméon ne prenait pas un Dieu déguisé en humain. Il ne portait pas quelqu’un qui vient d’ailleurs, d’en haut, pour juger notre monde, nos vies et pour nous sauver, pour fonder, disent les exégètes, une nouvelle religion. Il ne portait pas non plus dans ses mains un envahisseur puissant, écrasant, un futur rédacteur d’un code de conduite, d’une constitution inaltérable.
En prenant dans ses bras l’enfant, Siméon ne croit pas n’importe qui, n’importe quoi, non plus. Il a la forte sensation qu’il porte dans ses bras un humain parfait, citant ainsi André Louf ; un humain capable de nous révéler notre propre grandeur et de nous montrer Dieu sans jamais le nommer parce que c’est impensable, disait Marcel Légaut au Carmel de Mazille, en avril 1990 ; un humain capable de montrer comment vivre ensemble, solidaire, fraternel. Siméon pressent une nouvelle manière d'être ensemble et d'être au monde. Il porte dans ses mains un bien commun (José Arrégi) qui appartient à toute l’humanité. Ses yeux voient le salut.
Jésus est tellement un parfait humain que durant sa vie, il ne rejettera personne. Il vivra sans frontière de langue, de culture, de couleur, de religion, de pur et impur. Il abolit tout dualisme : permis-défendu, bon grain-ivraie, ami-ennemi, loin-proche, inaccessible-familier, sacré-profane, Dieu d’en haut-d’en bas, raisonnables-complotistes. Jésus refuse de jouer aux docteurs de la loi qui comprennent tout à partir d’eux-mêmes et qui s’entêtent à ne pas comprendre le point de vue de l’autre. Vivre sans frontières, voilà bien ce que dit le mystère de Noël.
Dans notre biologie à chacun de nous, il y a des frontières, il y a ce moi qui met des barrières, des distanciations sociales entre nous. Nous sommes des humains imparfaits. Nous ne réagissons pas bien face à des gens qui sont différents, qui apparaissent différents, parlent un langage différent ou glorifient un Dieu différent. Nous les voyons souvent comme une menace pour notre survie.
Les yeux de Siméon voient un chemin accessible aux croyants et incroyants en attente d’une vie sans frontières, sans murs. Mes yeux ont vu le salut. N’est-ce pas là la meilleure des bonnes nouvelles qu’apporte Jésus ? N’est-ce pas le salut tant attendu ? Les mains de Siméon portent une présence qui transforme sa fin de vie en apothéose de joie. Il voit et porte dans ses mains l’homme nouveau dont la manière d’être au monde abolit la barrière entre Juif et Samaritain, homme et femme, Israël et Juda, esclave et libre, riche et pauvre, bon et mauvais, la vie et la mort. Avec Jésus, tout s’estompe.
Quel beau projet que de vivre les uns avec les autres ! Par nature, l’homme est un loup pour l’homme. Les liens entre nous peuvent se pervertir. Le respect entre les uns et les autres est menacé. Ce que voit Siméon, c’est l’arrivée de la fraternité fondatrice de liens plus forts que la distanciation guerrière entre nous. Est véritablement humain celui qui se tourne vers les autres, dans le présent, en inventant des gestes et des actes qui créent et maintiennent la relation. Trop souvent, c’est le pouvoir des uns sur les autres qui maintient la relation.
Jésus inclut tout le monde et ne rejette personne. Il inaugure une communauté humaine sans frontières, un projet de société ambitieux, celui d’abolir la rivalité entre les Caïn et les Abel de ce monde. Voilà l’expérience qui conduit Paul et beaucoup d’autres par la suite à dire : Dieu est en [Jésus] Christ (2 Co 5, 19). Il est une puissance de vie, puissance d’amour, fondement de l’être humain qui attire toutes vies dans une nouvelle humanité.
Dans une triple allocution solennelle, l’apôtre Jean appelle les petits enfants, les parents, les jeunes gens à vaincre ce monde de la convoitise des yeux, de l’arrogance, de la richesse; à ne pas aimer ce monde. Et quand Paul précise qu’il passe ce monde tel que nous le voyons (cf.1 Co 7,31), il parle de celui où nul ne peut servir deux maîtres : ou bien il haïra l'un et aimera l'autre, ou bien il s'attachera à l'un et méprisera l'autre (cf. Mt 6, 24).
Et nous, savons-nous rencontrer Jésus comme Siméon ? Avons-nous sur lui le regard de Siméon ? Avons-nous des yeux pour voir l’arrivée de quelqu’un qui croit en nous ? De quelqu’un qui a un projet humanitaire où fraternité et amour se rencontrent comme un pilier pour vivre les uns avec les autres, dans le respect des uns et des autres. Incarnons l’Évangile dans lequel nous croyons. AMEN.
Autres réflexions sur le même sujet :
Ajouter un commentaire