Année B : samedi de la 30e semaine ordinaire (litbo30s.18)
Lc 14,1.7-11 ; Ph 1,18b-26 ; Ps 41,2-3.5 : mourir à soi-même, un gain ?
Je me réjouirai encore. Paul fait allusion à son empressement à annoncer Jésus. Il voit même la mort comme un gain. Dans l'évangile, Jésus a décrit ce gain et cette victoire comme celles d’une délivrance des triomphalismes vides, vides d’amour, vides de service, vides de compassion, vides de peuple (homélie de François, 29/6/18). Dans la même homélie aux nouveaux cardinaux, le pape ajoutait : nous sommes tous tentés de détruire l’autre pour grimper.
Nous cherchons souvent le centre plutôt que d’être des faisceaux qui laissent passer la lumière. Quelqu’un m’exprimait récemment : j’ai honte d’habiter avec mon moi. Nous désirons plus souvent être des employés désirant se faire remarquer par le patron pour obtenir une promotion plutôt que des ouvriers à la vigne. Nous sommes, sans en faire notre priorité, des écrans qui n’aident pas à montrer comment Jésus a vécu. La finale de l’évangile nous dicte un chemin pour vivre comme Jésus, pour grimper sur la croix, la dernière place. Un chemin de victoire sur nos multiples désirs : grandeur, ambition personnelle, jalousie, et d’autres désirs encore.
En vivant ici, nous n’avons qu’un but : passer de ces multiples désirs au désir le plus profond, le vrai, celui qui nous permettra de hiérarchiser tout le reste. En nous, il ne doit pas y avoir deux amours. J’insiste et redis : il ne doit pas y avoir deux désirs. Reconnaissons-le, nous avons des dizaines de désirs, qui s’opposent, qui se font la guerre, qui se concurrencent. Mais dans le fond de nous-mêmes, nous n’avons qu’un seul véritable désir, celui de bien vivre notre appel à suivre Jésus. Ce désir, ce seul désir que Paul appelle un gain, n’est pas facile.
Nous sommes des êtres tiraillés, plongés dans une culture du moi, qui est premier servi, jusqu’à l’idolâtrie. Songeons à ces disciples dimanche dernier qui empêchaient Bartimée à rejoindre Jésus pour s’en donner l’exclusivité (Mc 10, 46-56). Lorsque Jésus dit: à ceci tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples: si vous avez de l’amour les uns pour les autres (Jn 13, 35), il s’adresse à toute l’humanité, et spécialement à ses plus proches collaborateurs que nous sommes. Sa remarque nous pousse dans notre recherche à savoir qu’elle est dans les faits, le premier de nos désirs. Notre priorité est-elle d'accaparer Jésus pour soi tout seul ? Pour exiger son exclusivité à notre endroit ?
La question à nous poser, c’est LA question : que voulons-nous vraiment, réellement, au fond de nous-mêmes ? Personne d’autre que nous-mêmes ne connait la réponse à cette question. Discerner ce vrai désir en nous, c’est réaliser notre vocation. C’est apprendre à nous libérer du poids de nos fantaisies, de nos envies du moment, de nos entêtements, nos tocades, pour nous concentrer sur notre désir le plus vrai, celui qui nous fait vivre et nous fait avancer.
Pour l’exprimer avec des mots bibliques, notre seul vrai désir est d’accomplir la volonté de Dieu. Que ta volonté soit faite. Comprenons bien. Comprenons très bien. Faire les volontés de Dieu, c’est faire la nôtre, celle que Dieu a placée en moi, et qui ne me laissera jamais tranquille, tant qu’elle ne m’aura pas connu son accomplissement.
Martin de Porrès n’avait qu’un désir : accomplir avec empressement tout ce qu’on attendait de lui. Rien de plus. Aucune priorité chez lui à monter plus haut. Il était amoureux des sans-logis, des sans-papiers, des sans-patries. À sa mort, l’évêque disait : apprenons à mourir comme lui, c’est la leçon la plus difficile et la plus importante. L’évêque faisait allusion à une vie qui n’existait plus pour elle-même, mais toute donnée à Jésus.
À votre contemplation, que ce désir de suivre le chemin de Jésus ne soit pas un simple désir de façade qui sent le superficiel, ni une halte de passage temporaire, mais le lieu où nous demeurons. Dans l’esprit de Jésus la première place, c’est la bonté plutôt que le mal, la patience plutôt que la colère, la compassion plutôt que l’envie, le souci des autres plutôt que de soi, servir plutôt qu’être servi.
Peu importe, le degré de notre demeurance à suivre Jésus, le Christ par nous, est annoncé et nous nous en réjouissons. AMEN.
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