Année A : samedi de la 25e semaine ordinaire (litao25s.17)
Lc 9, 43b-45 : écouter, une expérience de beauté.
Ce passage suit immédiatement celui du Thabor où Jésus exprimait qu’il lui faut beaucoup souffrir. De toute évidence, les témoins du Thabor, et plus tard les autres disciples, ne comprenaient pas ces paroles […] qui restaient voilées pour eux, si bien qu’ils n’en saisissaient pas le sens (Lc 9, 45). Et nous ?
De toute évidence, les proches de Jésus entendent ce qu’il dit, mais ils ne sont pas capables, pour reprendre les mots de l’ancien lectionnaire, de se mettre dans la tête la profondeur de son annonce qu’il doit beaucoup souffrir pour eux. Il y a quelques jours, il leur avait pourtant dit clairement : le Fils de l’homme doit souffrir beaucoup, être rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, être tué et, le troisième jour, ressusciter (Lc 9, 22).
Les disciples sont tellement fascinés par la multiplication des pains (cf. Jn 6, 1-15), la transfiguration sur le mont Thabor (cf. Mc 9, 2-10), la libération d’un enfant que le démon rendait épileptique, que tout le monde était dans l’admiration devant tout ce que faisait Jésus (Lc 9 ,43).
Dans les mots d’aujourd’hui, Jésus vient de les perdre ! Il parle pour rien. C’est comme s’il n’avait rien dit. Ses paroles passent tout droit, dit-on. Cela arrive quand nous ne prenons pas le temps de nous réchauffer le cœur, de nous nourrir quotidiennement de la parole de Dieu, comme l’exprime saint Jérôme. Pour comprendre Jésus annonçant qu’il va être livré aux mains des hommes, il faut ruminer longuement, quotidiennement sa parole, sinon elle devient une sorte de mots-mystères. De mots incompréhensibles comme ils s’en retrouvent dans un discours schizophrénique.
C’est important pour Jésus de nous faire connaître ce qu’il éprouve, qu’il va être livré aux mains des hommes; mais cela dépasse la capacité d’entendement de ses proches. De tout temps, nous voulons bien connaître ce que l’autre vit, mais quand il l’exprime, nous passons vite à autre chose comme si nous ne sommes pas capables d’entendre cela.
Jésus les prépare à quelque chose dont ils ne seront jamais préparés à vivre, comme le fougueux Pierre l’atteste. Cela ne t’arrivera pas (Mt 16, 22). Il faut entendre la réplique de Jésus : arrière, Satan […], tes pensées ne sont pas celles de Dieu (Mt 16, 23). Il est difficile d’éprouver les mêmes sentiments que Jésus.
Les disciples ne comprenaient pas que l’éblouissement des gestes de Jésus se dresse comme un écran devant ce qui est plus fondamental, devant ce qui est essentiel. Il faut qu’il soit livré aux hommes. Comme cela nous arrive trop souvent : ils se sont laissés prendre au piège par ce qui leur saute aux yeux, les éblouissaient.
Fascinés par les gestes et le «phénomène » Jésus, les disciples ne saisissent pas qu’ils sont en présence d’un grand homme. Devant quelqu’un d’indéchiffrable. Ils ignorent que Jésus est de même nature que le Père (Credo), de la substance du Père (He 1, 3). Ils ne voyaient que Jésus seul (Mc 9, 8) et non pas celui qui dans sa personne, est manifestation d’une profondeur divine, dépassant toute intuition humaine (Hans Urs von Balthasar, La Gloire et la Croix, GC1, pp. 128-129). Leurs regards ne s’arrêtent que sur « l’extérieur» de Jésus.
Ce que Jésus livre à ses disciples, c’est ce qu’il vit dans son cœur lors de ces longues rencontres avec le Père. Nous n’en percevons que très peu la profondeur tant son intimité demeure inaccessible. Nous en voyons seulement les fruits : fruits d’accueil, de compassion, capacité de se distancer de ses propres besoins.
Ici, nous avons vocation à entrer dans cette intimité. Personne ne réussit pleinement cette vocation. L’appel à écouter sera toujours une expérience de beauté. Être des appelés à écouter la voix du Seigneur est une belle vocation, cette voix qui nous garde comme un berger son troupeau et qui fait resplendir la vie par l’Évangile (Acclamation). AMEN.
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