Année A : samedi de la 30e semaine ordinaire (litao30s.17)
Luc 14, 1,7-11 : êtes-vous un monsieur moi, une madame moi ?
La tentation de bien paraître est de toutes les époques. Elle empoissonne tout ce que nous faisons et surtout toute vie communautaire. Pour la combattre, Jésus propose à travers cette invitation à un repas, de préférer le regard du maître du repas sur nous plutôt que notre propre regard sur nous-mêmes. De considérer le regard d’un autre sur nous plutôt que le nôtre sur nous.
Cette parabole n’est pas pure fiction. Elle décrit un Dieu différent de l’imaginaire populaire, un Dieu impossible à inventer tant son «look», son apparence, dépasse l’entendement. Et quel est ce look ?
Jésus, dans ce passage entendu, se charge de nous dire qui il est et quel est son projet pour l’humanité. Son appel à céder sa place est la plus belle effigie qu’il puisse nous offrir de lui-même. Un Dieu qui cède sa place, qui ne recherche pas a`être vu, contraste avec le Dieu de notre imaginaire collectif. Plutôt que de se nourrir, de s’enorgueillir d’être de même nature que le Père, Jésus choisit de se nourrir de la volonté de celui qui l’a envoyé (Jn 4, 34). Il a magnifié la volonté de son Père. Au terme de sa vie, il dira qu’il a accompli l’œuvre qui lui a été confiée (Jn 17, 4) et entendra son Père lui dire, mon ami, monte plus haut.
Il faut comprendre cet évangile comme un appel à un décentrement de soi-même, à un renoncement de glorification de soi-même, comme un projet de vie qui laisse pointer une perle que décrit une prière eucharistique : que notre vie ne soit plus à nous-mêmes, mais à Lui qui est mort et ressuscité pour nous.
Jésus propose plus qu’un savoir-vivre. Il nous propose sa forme de vie, son chemin d’ascension vers le Père. Un chemin qui échappe aux sages et aux savants (Lc 10, 17). Pour Pierre, ce chemin consiste à revêtir l’humilité dans vos rapports entre vous (1 Pi 5, 5b). Cette page est une blessure infligée à notre narcissisme. Elle pousse à revêtir l’humilité de Dieu comme chemin pour s’entendre dire: mon ami, monte plus haut.
Chaque jour, au moment de nous asseoir à sa table eucharistique, nous posons ce geste de noblesse de nous reconnaître indignes de sa table. Prends pitié de nous. L'obsession de préserver sa propre gloire, sa propre dignité, sa propre influence ne devrait pas faire partie de nos sentiments.
Ce chemin, celui du prends pitié de nous, c’est Jésus qui l’a pris le premier, qui, le premier, a eu pitié de nous, qui s’est humilié, abaissé pour s’asseoir à nos tables. Son geste nous a créés, recréés, sortis de notre repliement sur nous-mêmes. Il nous fait créatures accomplies à la manière dont Dieu l’a pensée et voulue pour nous.
Une mystique africaine Amadou Hampaté Bâ, (1900- 1991) fait observer que Dieu a dit: soixante-dix fois par jour, je regarde dans le cœur de l'homme pour y descendre. Mais je le trouve presque toujours plein de lui-même, et ne puis y pénétrer. L’apôtre Paul appelle les Philippiens (2,4) à ne pas considérer ses propres intérêts, mais ceux des autres. Quand notre cœur est riche et satisfait de lui-même, il n’y a pas de place ou très peu pour devenir des paroles de Dieu. Pas facile le chemin pour monter plus haut; mais, quand nous le prenons, les pères du désert disent qu’il fait des miracles et ressuscite les morts.
À votre contemplation: bienheureux ceux qui renoncent à leur propre bien-être pour le bien d’autrui (Pape François, Toussaint 2016). Pour le chrétien, pour tout humain vraiment humain, l’épicentre de sa vie se trouve hors de lui. Descendre de tout désir de se mettre de l’avant, en avant. Regardons Jésus et il nous désarmera de toute pensée de se croire plus important que les autres. Ce chemin-là a conduit François à être l’une des personnalités chrétiennes les plus admirées. AMEN.
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