Année B: Samedi 5e semaine carême (litbc05s.15)
Jean 11, 45-57 : heureux naufrage
Il y a l'heureux naufrage. Il y a l'heureuse agonie, voire l'heureux gibet. Nos yeux développent une expertise pour identifier les naufrages. Ils n'en perçoivent pas ce qui est «heureux» dedans parce que nous vivons une crise du regard. Nos yeux ne percent plus l'extraordinaire chemin de l'Évangile (cf. Guillaume Jedrzejczak, Extraordinaire originalité du Christianisme, Paris, Éditions Salvator, 2014, 132pp).
Si nous regardons bien, cette heureuse semaine a changé la face du monde en mettant l’autre, le petit, le pauvre, le pécheur, la prostituée, au cœur de la conscience humaine. Nous entrons dans la semaine d'un heureux naufrage. Naufrage inexprimable, où tout est consommé. Le culte ancien s'effondre. Les sacrifices multiples cessent. Si quelqu’un est en Christ, il est une nouvelle création. Les choses anciennes sont passées ; voici, toutes choses sont devenues nouvelles (2 Cor 5, 17).
L'heureux naufrage fixe nos regards sur un système autoritaire de gouvernance de l'institution Église et l'immense vide qu'elle a engendré. L'heureuse agonie fixe, elle, nos regards sur un système, celui de la collusion avec les exclus, et qui a conduit Celui qui a passé en faisant le bien, à la mort.
Ne comprenons pas tout de travers ce que Jean nous présente. Jésus marche vers un heureux naufrage qu'il a annoncé près du tombeau de Lazare, qu'il a fait retentir et humer dans le parfum de Marie-Madeleine. Il y marche avec une douceur étonnante. Devant nos yeux, non pas un faiseur de trouble, mais un engendreur de vie. Heureuse semaine ! Heureux naufrage qui ouvre un chemin de retour à nos origines.
Mais pour clamer cela, il faut entendre la mystique Julienne de Norwich nous dire ce que Jésus lui a soufflé à son oreille attentive : Toutes choses finiront bien. Une autre fois, il a dit : Tu le verras toi-même : tout tournera en bien. Elle ajoute : nous nous affligeons et nous nous lamentons tellement que nous ne trouvons plus la paix dans la bienheureuse contemplation de Dieu, comme nous le devrions.
Les «têtes parlantes» de notre heureuse agonie ne seront plus ces personnalités québécoises et d'ailleurs qui, toutes, déploraient un grand vide, mais les Pilate, les chefs religieux et les leaders politiques. Comme les personnalités interviewées dans le documentaire, ils ne voient que l'extérieur de la coupe sans la boire.
À l'aurore de cette semaine, il nous faut demander d'éprouver que toutes choses finiront bien. Même si beaucoup d'actions sont horribles à nos yeux, je songe à cette marche des 21 coptes allant vers la mort, et nous causent de grand bouleversement intérieur, il nous faut demander de voir que toutes choses finiront bien.
Tellement horrifiant que ce naufrage, ce scandale des scandales qu'est Jésus entrant à Jérusalem, que les premiers chrétiens lui préférèrent durant plus de quatre siècle, le signe du pain et des poissons comme en témoignent des mosaïques anciennes.
Loin de nous ces prochains jours de singer Jésus mais plutôt d'épouser les mêmes sentiments que Lui. Si un membre souffre, que tous les membres partagent sa souffrance ; si un membre est à l'honneur, que tous partagent sa joie (1 Co 12, 26). Accueillez-vous les uns les autres comme le Christ vous a accueillis pour la gloire de Dieu (Rm 15, 7). Épouser dans notre intérieur et dans notre extérieur ces sentiments de Jésus, nous donner son regard pénétrant, sans haine ni rancune, ce ne sont pas là des sentiments naturels quand nous nous sentons non aimés, moins estimés ou dans des situations de rejets.
Devant ce Jésus qui prend le chemin de l'anéantissement surgit ces questions : sommes-nous prêts à être des «anéantis» ? À nous abaisser autant que Jésus ? Une eucharistie pour nous redire que nous ne sommes pas encore arrivés à vivre jusqu'à épouser entièrement l'abaissement de Jésus. AMEN.
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