2014-A- Mt 13, 24-30- 16e dimanche ordinaire - n'arrachez pas l'ivraïe

 Année A: 16e dimanche ordinaire (litao16d.14)

Matthieu 13, 24-30 : n'arrachez pas l'ivraie.

Plusieurs regards s'offrent à nous. Je vous suggère de chercher Dieu parmi la mauvaise herbe. Le Christ a  quitté une bonne terre, celle où il demeurait près de son Père, pour parcourir des terres où abonde l'ivraie. Jésus a vécu au milieu de l'ivraie. Nous le retrouvons dans l'évangile s'assoyant à toutes les tables, s'arrêtant au puits de Jacob, parcourant les terres païennes. Jésus nous rejoint sur nos terrains pierreux, sablonneux. D'où l'invitation de ne pas arracher l'ivraie parce que nous risquerions de déraciner Jésus des cœurs.

Jésus, Emmanuel avec nous, est ce Dieu mêlé à nous. C'est ça la bonne nouvelle. Jésus se mêle à nos ivraies comme cette eau se mêle au vin pour le sacrement de l'alliance nouvelle, dit le prêtre à l'offertoire. Il se mêle à nos ivraies pour les transformer en pré d'herbes fraiches. Pour les ensemencer d'une puissance de transformation. Pour les habiller du parfum de sa résurrection.

Saint Ambroise, fondateur de l'Église de Milan, Père de l'Église, affirmait que [l'ivraie] a bel et bien une utilité en soi. Il est plus utile qu'inutile. L'ivraie qui pousse en abondance, nous montre que Dieu par son regard aimant posé sur nous, peut tirer du bien du mal.  N'arrachez par l'ivraie (13, 10). Tous les jours à travers nos médias, l'ivraie nous aveugle, nous horripile tant il est partout. Mais si nous savions que cette ivraie laisse voir le prix payé par Jésus pour nous redonner notre beauté originelle. Heureuse faute, chantons-nous dans la nuit de Pâques. Heureuse dégradation du bon grain en ivraie qui nous valut une telle prévenance de Dieu !

Cette page fait voir le visage d'un Dieu lent à la colère et dont la miséricorde existe bien avant l'arrivée du mal. Elle nous fait comprendre que nos infidélités, nos erreurs, nos «non» capricieux sont un chemin pour grandir dans notre vie spirituelle. Rien ne peut déraciner le regard de miséricorde de Dieu sur nous. À bien lire cette page, nous sommes obligés de reconnaître que Dieu semble avoir préféré combler de sa miséricorde une foule immense d'humains plutôt que d'avoir eu à prendre soin d'Adam seul dans son paradis.

C'est ce que semble affirmer la liturgie de saint Ambroise quand on y lit : Dieu a crée le ciel et la terre, la mer et les étoiles. Il ne s'est pas reposé. Il a crée l'homme, et ajoute le texte de la genèse, il s'est reposé parce qu'il avait quelqu'un en qui déposer sa miséricorde. Pour Jésus, il est plus important de préserver ce qu’il y a de bon dans le mauvais que de détruire le bon en arrachant le mauvais.   Qui donc est Dieu pour agir ainsi ?

Nos regards sur nous-mêmes ne voient que l'ivraie. Au lieu de nous démoraliser en ne nous voyant pas comme des saintes personnes, c'est dynamisant de nous savoir, comme l'exprimait le pape François dans une entrevue aux jésuites, des pécheurs regardés par le Seigneur. Il ajoutait : je le ressens profondément.

Notre joie, ce matin, c'est d'observer que Dieu, ce Dieu dont Jean-Baptiste disait : toi, tu viens vers moi (Mt 3,14), voit un germe de vie dans le moins beau des cœurs. Le curé d'Ars avec son regard perçant, son regard contemplatif, disait que ce n'est pas le pécheur qui court après le Bon Dieu pour recevoir son pardon mais c'est le Bon Dieu qui court après le pécheur pour le plonger dans cette miséricorde.

La bonne nouvelle : Dieu s'est mêlé à nos blessures pour nous en guérir en nous donnant en sa personne, un médicament qui tue l'ivraie. Ce médicament, c'est son regard de bonté tellement rassurant qu'il transforme l'ivraie en nous en germe de vie. Ce médicament nous fait mieux comprendre pourquoi il y aura plus de joie dans le ciel pour un pécheur converti que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n’ont pas besoin de conversion (Lc 15, 7). 

En terminant, deux questions : Ce matin, éprouvons-nous cette joie, malgré l'ivraie qui pousse dans nos cœurs, ivraie de discorde, de jalousie, de refus de pardonner, de ne pas accorder à Dieu toute la place en nous, de nous savoir regardés avec miséricorde par le Seigneur ? Avons-nous cette même patience dont parle la 1ière lecture, lorsque nous constations toutes les déviations actuelles, toutes les collusions ou sommes-nous prompts à condamner ? La logique de Dieu n'en est pas une expéditive. Dieu nous montre son incroyable bonté et patience. Il nous invite à agir comme lui. AMEN.