Année A: Samedi 33e semaine ordinaire (litao33s.14)
Luc 20, 27-40 : vers une réveillance ....imprenable
.En nous attardant au piège qu'on pose à Jésus, nous risquons de passer à côté du sens profond de la venue de Jésus dans notre monde. Il vient nous redire que nous avons accès à la gloire la plus élevée qui soit. Nous venons de l'entendre, et Luc est le seul des trois évangélistes à écrire cela, les enfants de ce monde, à la résurrection d'entre les morts, seront héritiers de la résurrection. Ces mots dépassent l'imaginable.
Nous vivons dans une culture où la vie de l'au-delà soulève une forte résistance (François, homélie du 19 septembre 2014) même chez les croyants. Il en était ainsi au premier temps de l'Église. Nous t'entendrons là-dessus une autre fois (Ac 17, 28) répondirent les athéniens à Paul à l'aréopage.
Une évidence toutefois, depuis les temps anciens, dans toutes les cultures et sociétés; chez une majorité d'humains, il y a un incroyable besoin de croire pour citer le livre de la psychanalyste Julia Kristeva (Bayard, 2007), en quelque chose après la vie. Ce besoin existait bien avant, écrit la psychanalyste, cette immersion sans limite du MOI (Jésus) dans le monde. Plusieurs humains ont défini leur identité et construit leur vie sur la certitude d'un au-delà difficilement identifiable et j'ajoute qu'ils soient croyants ou pas.
Il y eu un soir, il y eu un matin. Ainsi s'ouvre le récit de la Création. La résurrection nous présente le même récit, mais à l'envers il y eu un matin, il y eu un soir. Désormais le matin précède le soir, le jour prend le pas sur la nuit pour montrer ce vers quoi nous marchons. Jésus réécrit à l'envers un récit séculaire. L'incarnation, disait Duns Scott, est un mystère trop grand pour simplement remédier à un défaut.
Pour le lecteur assidu de la parole de Dieu, pour le méditant de la parole de Dieu, cette page est plus qu'une question de survie. Elle est comme un réveil. Une réveillance pour citer un théologien belge. Elle nous fait bondir dans un lit nuptial. Elle nous éveille à une transformation que nous ne percevons que dans la foi. Un autre monde, et c'est une autre surprise de l'évangile, est déjà commencé, ne l'apercevez-vous pas (Is 43, 19) ? Saint Jean écrivait dans sa lettre que nous sommes enfants de Dieu, mais ce que nous serons ne paraît pas encore (1 Jn 3, 2).
L'attitude des sadducéens est aussi contemporaine à nos vies. Impossible d'imaginer ce que sera cet avenir ni d'en imaginer les contours. Dans son livre qu'il vient de publier à l'aurore de ces 100 ans, le théologien Joseph Moingt, qui croit dur comme fer que le Christ s’est bien relevé de la mort, affirme, et cela admet-il, peut surprendre même ses confrères jésuites, que cet événement est d'abord une expérience spirituelle, ressentie plutôt que palpable. La résurrection de Jésus n’a jamais été expérimentée qu’en esprit, et il ne pouvait en être autrement. Si l’on questionne sa position, il déclare avec fougue : Vous avez besoin de preuves pour croire ? Moi pas ! Il faut renoncer aux preuves. Il faut croire sans preuve.
Je termine par cette remarque et appel de Paul toujours d'une grande actualité en regard de notre foi en la vie éternelle : ne vous conformez pas au siècle présent (Rm 12, 2). Pour nous aujourd'hui, ce siècle présent se pose la question de la continuité de la vie. Jésus, lui, et cela s'entend dans la réponse aux sadducéens, nous montre que nous sommes en possession d'un héritage qui déjà nous enrichit. Enfants de Dieu nous le sommes déjà, mais ce que nous sommes ne paraît pas encore (1 Jn 3, 2). Pour lui, plus question de prolongement de la vie mais d'une vie nouvelle, tellement transfigurée qu'elle est méconnaissable à nos yeux humains comme ce pain qui, dans la foi, devient le corps du Christ livré pour nous. AMEN.
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