Année B : Lundi 33e semaine ORDINAIRE (Litbo33l.12)
Lc 18, 35-43 : la porte de la confiance
Il y a du plaisir à rencontrer les yeux de celui à qui l'on vient de donner. Il est facile d'appliquer à Jésus ces mots de Jean de la Bruyère tant, il me semble, que cela était sa réalité quotidienne. Oui, quel plaisir, pouvons-nous soupçonner qu'il y avait dans les yeux de Jésus, redonnant la vue à cet aveugle ! Quelle joie aussi de saisir comment Jésus discernait de la lumière dans ceux qui ne voyaient pas la lumière !
Jésus ne voit pas l'aveugle parce qu'il a des yeux, mais il a des yeux parce qu'il est voyant, et je cite le philosophe Martin Heidegger, par le fond de son être.
Le regard aimant que Jésus a posé sur celui dont la tradition appelle le jeune homme riche (Mc 10, 17-30), comme celui qu'il pose maintenant sur l'aveugle, est révélation du fond de son être. Le regard de Jésus ne souffre pas de myopie. Jésus voit et fait voir. Il sait lire jusqu'au profond des cœurs et y dévoiler notre propre vérité (message final du synode, #1). C'est sa bonté. Pour Jésus, l'aveugle est un humain avant d'être un aveugle.
Ce regard aimant, ce regard de bonté, le récent synode, dans son message final, nous rappelle qu'il ouvre un chemin d'évangélisation. En utilisant l'image de la samaritaine, le synode nous invite à avoir plaisir à rencontrer les yeux en recherche de lumière en prenant le temps de nous asseoir aux cotés des hommes et des femmes de
[notre] temps. Avoir plaisir à désaltérer les cœurs des humains désireux de s'arrêter à un puits pour combler un vide. Il n’y a pas d’homme ou de femme qui, dans sa vie, ne [se] retrouve pas, comme la femme de Samarie, auprès d’un puits avec sa cruche vide... dans l’espérance d’y voir exaucé son désir le plus profond de son cœur, celui qui seul peut donner un sens à son existence (#1).
Hier, c'est l'aveugle qui criait à Jésus. Aujourd'hui, ce sont les multiples dérivations de l'économie, de la mondialisation qui sont autant de cris dont le même synode dit l'urgence d'entendre pour écouter. D'écouter pour entendre et cela sans prosélytisme, ajoute le texte final. Si la foi se joue dans notre proximité avec Jésus, elle se manifeste, se «visibilise» par notre capacité de voir dans ces cris la manifestation d'une grande foi, souvent inconsciente, à Jésus. La porte d’accès à l’évangélisation peut être efficacement celle du “social”, déclarait Mgr Lapierre de Saint Hyacinthe. Saint Jean Chrysostome (IVe siècle) percevait plus de foi dans l'aveugle que dans le croyant. C'est pourquoi Jésus a refusé qu'il se taise. Avoir plaisir à entendre les cris du besoin d'un puits désaltérant sans fixer nos regards sur un extérieur souvent repoussant.
Jésus s'arrête et appelle. Quelle puissante porte d'évangélisation que de prendre le temps de s'arrêter et d'appeler ! Quel puissant message de l'humanité de Jésus ne voyons-nous pas à travers ce geste de compassion face un aveugle lui criant son désir de voir ! Avant d'être un contemplatif de la loi, Jésus est un grand contemplatif du monde et de ses besoins, dit le message du synode. Jésus savait revitaliser les figuiers stériles. C'est cela évangéliser le monde.
La porte de la foi, comme celle de l'évangélisation, ne consiste pas à réciter un Credo dont les mots ne disent plus rien, ni même à nous satisfaire d'une pratique quotidienne ou dominicale. La porte de la foi s'ouvre quand nous nous arrêtons pour être présence et vie. Deux mouvements qui font sens à nos contemporains. Deux mouvements qui donnent la vue, qui redonnent la vue.
Aujourd'hui, comme Église, comme chrétiens, nous semblons plus voués, attirés par la conservation du passé plutôt que de nous arrêter, et c'est le message limpide et dérangeant aussi du synode, pour insuffler dans les cris multiples une nouvelle manière de vivre, celle qu'inspire l'Esprit de Dieu. Dieu, dit admirablement Paul, aime qui donne avec joie (2 Co 9,7),qui sait s'arrêter avec joie en ordonnant qu'on le lui amène, précise Luc.
Dieu est partout, disons-nous. Alors il est là sur le bord de nos routes. Mais nous arrêter comme Jésus, l'apocalypse vient de nous dire que c'est nous mettre è l'épreuve (Ap 2, 2). En nous, au milieu de nous, dira le temps de l'Avent, se trouve quelqu'un qui nous veut vigilant à nous mettre à l'écoute de Dieu à travers eux. Jésus, fils de David, aie pitié de moi, fais que je vois jusqu'à m'arrêter comme toi. AMEN.
AUTRE PISTE
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