Année B: Dimanche 15e semaine ORDINAIRE (litbo15d.12)
Mc 6, 7-13 n'emportez rien
Au modèle économique d'avoir toujours plus, de monter toujours plus haut dans l'ordre social, Jésus propose un autre modèle économique : n'emportez rien. Au modèle de l'avoir, de la possession, de l'enrichissement, Jésus propose un modèle d'être. La philosophie de la possession conduit à vivre recourber, concentrer sur ses affaires pour en savourer le profit. Elle mène à une vie renfermer sur soi-même. La philosophie du n'emportez rien consiste à s'oublier, à vivre délivrer, décrocher, décoller de mon moi pour entrer en contact jusqu'à se perdre dans l'autre (Zundel, Sainte Clotilde, Genève, 1975,p31). Elle ne consiste pas à vivre sans posséder mais à vivre sans vouloir tout posséder pour favoriser une économie sociale forte. Notre culture de consommation fait que nous vivons recourbés, retournés- l’expression est de saint Bernard au X1e siècle- sur nos «mois». Jésus anticipait sans doute ce qu'écrivait en 1993 Philippe Leconte, président de la nouvelle économie fraternelle, l'argent est-il devenu fou ?
Dans la bible, n'avoir rien, c'est être moins que rien. C'est d'être des non-personnes, des personnes non reconnues par la société, des laissés pour compte, ceux-là qu'on appelle aujourd'hui les indignés. Cette page est la signature de Dieu (Maurice Zundel).
N'emportez rien. Dit autrement, Jésus demande à ceux qu'ils envoient de n'avoir aucun poids social, de ne rechercher aucun pouvoir ni les premières places. De n'avoir aucun souci de leur existence. Regardez le lys des champs. Le n'emportez rien est beaucoup plus exigeant que de n'avoir aucune possession. Jésus n'envoie pas jouer aux pauvres. Il envoie vivre désencombré de tout superflu qui fascine tant. Il nous veut désarmer de nos «mois», de nos volontés si chères pour mieux parler de lui et non de nous. Avouons-le, la culture de la possession et des réalités d'en bas a plus d'impact sur nous que cette culture de n'être rien pour le Tout (Jean de la Croix).
N'emportez rien. N'emportez pas votre moi. Le patriarche Athënagoras exprimait : J'ai mené cette guerre pendant des années, elle a été terrible. Maintenant je suis désarmé de la volonté d'avoir raison, de me justifier en disqualifiant les autres. Je ne suis plus sur mes gardes. J'accueille et je partage. Je ne tiens pas particulièrement à mes idées, mes projets…
Cette manière de vivre pour mieux faire voir Jésus plutôt que de nous faire voir n'est pas facile. Quelle terrible rencontre cela serait avec notre prochain si nous ne lui donnions que nous-mêmes (Mère Térésa) ! Un célèbre dramaturge anglais, Noel Coward, qui rencontrait un ami qu'il n'avait pas vu depuis longtemps lui dit : Nous n’avons pas assez de temps pour parler de nous deux. Alors parlons de moi. Ce n'est pas le modèle évangélique de vivre. Pour évangéliser notre milieu, il faut entrer dans ce mouvement qui consiste à nous détacher d’une existence replié sur nous-mêmes (Card. Ratzinger).
Beaucoup disait le mystique rhénan Maître Eckhard mettent l'amour comme ce qu'il y a de plus haut (à atteindre), mais je mets le détachement (de nos «mois») au dessus de l'amour. Le souci pour l'extérieur nous attire beaucoup. Le message de sobriété de Jésus, l'appel à une vie simple, moins. Saint Silouane, moine du Mont Athos, affirme que celui qui est attaché à ses biens et à l'argent ne pourra jamais avoir l'esprit de Dieu (Starets).
Comme pour le prophète Amos dans la première lecture, nous avons des réticences. Il n'était que bouvier. Nous sommes que des chrétiens ordinaires. Mais voilà la surprise. Jésus ne choisit pas des aristocrates mais des gens ordinaires. Chacun de nous. Il nous envoie deux pas deux avec rien pour faire entendre l'hymne de Paul, l'une des plus riches, que nous humains sommes des bénis de Dieu, que nous sommes dans le Christ et nous ne le réalisons pas assez, des bénédictions de Père pour notre monde. Il est béni le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus Christ qui nous a bénis de toute bénédiction spirituelle. Une eucharistie pour être louange et gloire et pour mieux faire résonner dehors, à notre entourage, que nous sommes des bénis du Père, de bénis de Jésus qui maintenant nous offre sa Vie - prenez et mangez- pour que nous demeurions de fabricateurs (l'expression est d'un archevêque haïtien) de chrétiens. AMEN
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