Année A: Mercredi de la 30e semaine ordinaire (litao30me.11)
Lc 13, 22-30 : porte étroite ou regard trop étroit
Une minuscule perle d'or nous est offerte ce matin, une perle qui à force de la perdre de vue, de l'enfouir et de la retrouver, de l'enfouir à nouveau puis la retrouver encore, risque de s'affadir, de ne plus nous émerveiller ni nous stimuler. Cette perle-parole ou cette parole-perle consiste à reconnaître que nous sommes d'une telle dignité - reconnais, ô chrétien, ta dignité, disait le grand pape saint Léon - que nous avons accès à la résidence de Dieu.
Y-a-t-il plus froid qu'un chrétien qui ne sait plus contempler que Dieu nous appelle à prendre place à la table de son Royaume, comme l'affirmait le chant de l'acclamation? Et le psaume précisait sous forme d'une prière : donne la lumière à mes yeux, garde-moi du sommeil de la mort... que mon cœur ait la joie de ton salut (Ps 12). Très beau comme demande !
Par manque de lumière dans nos yeux, nous avons peine à contempler cette résidence spacieuse jusqu'à désirer y demeurer en permanence. Nous avons peine, parce que nos regards et attentes sont obnubilés par les choses d'en bas. Nous sommes comme cette femme courbée dont parlait Luc lundi dernier (Lc 13, 10-17), incapables de nous lever, de nous détacher de ce qui nous retient : plus de biens, plus d'attention, plus «d'excès».
Si tu trouves, écrivait le bienheureux Guerric (1080-1157), la route [porte] trop étroite, considère le terme où elle te conduit. Si ton regard ne va pas jusque-là, fais confiance à ce qu'a vu le prophète Isaïe, le voyant. Il distinguait à la fois l'étroitesse et le terme de la route (Is35, 9-10). Nous voyons l'étroitesse de la porte, nous nous interrogeons comment passer par le trou d'une aiguille. Nous pouvons facilement réciter les exigences de l'Évangile, de ce «ne pas faire» qu'on nous a abondamment rappelé. Nous discernons mal le bonheur d'être en présence de Dieu, des invités à sa table. Nous avons, écrit l'apôtre Paul dans la lecture tantôt, été destinés à être l'image de son Fils, appelés par décret de celui qui opère toute chose à connaître sa gloire, à devenir sans fin louange et gloire (Rm 8, 29).
Hier une porte s'est ouverte dans le ciel pour laisser sortir quelqu'un qui est venu nous inviter au repas de ses noces. Aujourd'hui la porte demeure ouverte pour nous inviter à entrer. Jésus a soif - c'est son dernier cri sur la Croix - de nous nourrir de son bonheur, de sa table, une table qui n'enchaîne personne mais qui libère les prisonniers dans leur malheur, les affamés de justice, les chercheurs de cette paix intérieure qui fait tant de bien.
Heureux ceux qui reconnaissent cette porte moins comme une exigence crucifiante mais comme un passage vers la plénitude de la joie. N'oublions jamais ce grand principe de toute vie spirituelle dont vient de parler Paul : si nos attirances vers le bas sont bien enracinées en nous, l'Esprit de Dieu s'empresse de venir au secours de notre faiblesse (Rm 8 26).
Saintetés, il est triste de vivre notre foi altérée de cette plénitude de vie qui est nôtre dès maintenant. Nous devons non seulement croire en cet avenir mais veiller; non seulement désirer cet avenir mais veiller, prends garde, de veiller et de prier (Lc 21, 34.36).
À votre contemplation :Que tes demeures sont désirables, dit le psalmiste. Mon âme a désiré entrer jusque dans les parvis du Seigneur. Heureux les habitants de ta maison. Si nous ne pouvons par nous mêmes atteindre ce bonheur, nous pouvons, et cela est à notre portée, apprécier cette table eucharistique avec autant de satisfaction que celle de nos repas quotidiens. Dieu non seulement se donne à nous mais en le recevant, nous nous donnons à Lui pour qu'il nous reçoive à sa table nuptiale. Heureux les invités. AMEN.
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