Année C : Lundi 12e semaine ORDINAIRE (Litco12l.10)
Matthieu 7, 1-5 : la paille et la poutre
En lisant cette page de la paille et de la poutre, m’est apparue, avec une clarté nouvelle, une évidence qui nous est quotidienne : comme il nous est difficile de voir de la lumière dans les autres. À écouter l’évangile de ce matin, cela ne date pas d’aujourd’hui. Notre premier regard, notre premier réflexe priorise les ténèbres que l’évangile nomme la paille. Pourtant la lumière ne manque pas dans notre monde, ni à notre regard, mais notre regard filtre la lumière. Dans ce monde aux regards qui tamisent les belles choses, un cri semble se répandre avec de plus en plus de persistance : rabbi, faites que je vois.
C’est devenu une complainte permanente : nous souffrons de bulletins de nouvelles qui filtrent la lumière, et j’ajoute, aveuglante de belles choses qui se vivent ou se passent autour de nous. Ces bulletins affectent notre œil qui privilégie les ténèbres. Nous avons souvent le doigt dans l’œil. Nos regards ne semblent pas, ne semblent plus supporter la lumière. Et cela se produit, nous l’avons clairement entendu dans la première lecture, quand nous adorons d’autres dieux et suivons les coutumes d’autres nations.
Aucunement question, ici, de nous fermer les yeux sur ce qui ne «tourne pas rond», mais bien de voir au-delà du visible. Si nous ne savons pas percer les mystères des événements, qui le fera? Si ne voyons pas, ne rayonnons pas de lumière ni de LA lumière, qui le fera, qui sera sel de la terre, lumière du monde (Mt 5 13-16)?
Jésus, à travers l’image de la poutre et de la paille, affirme de façon très incisive que l’œil est un symbole expressif de notre moi profond. Il est le reflet de ce que nous sommes (Mt 6, 22-23). Il existe une maladie des yeux qui fait voir les choses à l’envers : nous commençons par le non beau… et souvent, autour de nous, nous en restons là. Le Christ est venu libérer nos regards burinés par les soucis dont nous souffrons, imbus de nos lamentations de ce que nous n’avons pas. Tenez bon, nous dit-il, ne vous remettez pas sous le joug de l’esclavage (Ga 5, 1) que sont nos regards qui nous écrasent.
Dans la vie, notre but n’est pas de battre tous les records de perfection, mais de faire nôtre, avec des hauts et des bas, le regard de Jésus sur notre monde, un regard de louange, disent les psaumes. Dieu n’a d’autres soucis que de contempler en nous ce qui est beau. Il vit que cela était bon. Dieu est en «adoration» devant nous. Il est «en amour» avec nous. Il nous admire tellement qu’il nous a élus en lui dès avant la création du monde (Ep 1, 4)pour devenir de vrais cohéritiers (Rm 8, 16)tant il nous voit «fins, beaux, gentils», tout le temps.
Nous avons mission de ne pas avoir les yeux faits comme tout le monde jusqu’à creuser dans les scènes noires ou ténébreuses de notre monde, des oasis de beauté et de paix. Voici que je fais tout chose nouvelle, ne l’apercevez-vous pas? (Is 43, 18-19)Cette mission de voir toute chose nouvelle commence en nous mettant à l’école de Jésus, l’école de la prière qui nous inonde de lumière et d’un grand regard de bonheur, précisait Paul VI. Dieu seul est capable de combler nos cœurs et nos yeux du bonheur de voir autre chose que de la paille.
Nous nous demandons souvent à quoi reconnaissons-nous un chrétien? Un chrétien se reconnaît par son regard qui est révélation de ce qu’il vit. Regard qui est renaissance d’en-haut (Jn 3, 1-21) et de nouveau à chaque matin. Regard christologique, écologique, regard vert sur les autres. Devant les fléaux naturels, économiques ou accidentels, nous ne sommes pas esclaves de la désespérance mais des personnes libres, ouvertes à l’espérance.
À votre contemplation : Le Christ a apporté toute nouveauté en s’apportant lui-même (Saint Irénée). Paul précise que le monde ancien est passé et qu’une réalité nouvelle est là (2 Co 5, 12).L’apocalypse se termine sur cette affirmation sans précédent : je fais toute chose nouvelle (Ap 21, 6). Cette page, Parole de Dieu, vaut la peine que nous l’écoutions et la mettions en pratique. Elle nous fait « être d’avantage» comme Dieu, resplendissement et expression de son être (He 1,3). Ce qui est puissance d’évangélisation, c’est que pour transformer le monde, il te suffit de le regarder avec les yeux de l’Esprit de Dieu qui voient et qui entendent (Claudel). Il suffit de partager notre regard «réengendré» par l’Esprit, regard purifié que nous projetons sur ce pain et ce vin de cette eucharistie.
AMEN.
Ajouter un commentaire