Année B : Vendredi de la 26e semaine ordinaire (Litbo26v.09)
Lc 18, 1,5.10 DEVENIR COMME DES ENFANTS
Si nous n’entendons pas le message de l’Évangile de ce soir, c’est que nous sommes vraiment sourds. Depuis trois semaines, la liturgie nous a présenté trois versions différentes de cet évangile. Celle de Luc, de Marc, de Matthieu hier en la fête de la petite Thérèse. La question demeure toujours ouverte : qui est le plus grand? Nos oreilles n’ont jamais fini d’entendre dit l’Ecclésiaste (1, 8). Notre vie chrétienne est une réussite quand nous pratiquons ce que nous entendons.
Mais quand est-ce que nous devenons des enfants selon l’Évangile ? C’est quand nous ne faisons plus peur à personne, que les autres n’ont plus peur de nous. Nous vivons comme des enfants selon l’Évangile quand nous éprouvons dans nos vies de foi une grande fragilité, quand nous éprouvons que nous sommes démunis, vulnérables. Je suis désarmé quand j’entends qu’un ex-évêque d’ici est accusé d’avoir eu en sa possession sur son portable du matériel pornographique. Comme un enfant, je deviens sans voix. Et en même temps, cela me confirme comme nous l’avons vu dans le choix de Matthieu dernièrement, comme dans celui de Judas que Jésus n’a pas choisi des saints pour le suivre. Il a choisi de moins que saint pour qu’en le fréquentant, nous le devenions. Il a choisi pour utiliser une expression d’ici des petits véreux.
Le fréquenter, c’est le chemin pour devenir des enfants selon l’Évangile. Le fréquenter, c’est nous ouvrir à son identité. En présentant un enfant au milieu d’eux, Jésus utilise une image pour nous montrer qu’il n’a jamais fait peur à personne, n’a jamais imposé sa présence. Il nous délivre de tout ce qui nous défigure : chercher à être le plus grand en abaissant l’autre, à tout contrôler, désirer une Église parfaite. Il nous enlève tout ce qui dans notre société donne de la sécurité. Pour Jésus l’humain est ouverture vers le dépouillement de toute grandeur – il s’est abaissé justement pour ne pas faire peur. Au temps de Jésus l’enfant n’était pas le petit roi de notre société mais le moins que rien.
Dans sa première tentation au désert, Jésus a été confronté avec cette offre de toute-puissante qu’on lui offrait. Jésus est vulnérable. Notre foi est vulnérable. Notre Église est vulnérable, en état d’enfance. Nous vivons dans une Église lézardée, une Église ouverte à son identité profonde : la vulnérabilité. Sans elle, sans cette vulnérabilité, cette fragilité nous ne serions pas des évangiles vivants.
L’image de l’enfant nous montre un chemin. Celui de la fragilité. Nous ne sommes pas des Goliath chargés de diplômes, de dogmes, de réponses préparées mais des David, exposés, vulnérables. Ce chemin-là est à inventer chaque jour. Ce chemin là, c’est ça la Bonne nouvelle. Jésus a introduit dans le monde un espace neuf, une grandeur de démission (Maurice Zundel) devant nos désirs très humains de ne pas être humain en nous cachant derrière la recherche de la toute-puissance.
Dans la parabole de l’homme riche qui voulait agrandir ses greniers, le tu es fou de Jésus n’est pas à comprendre comme une condamnation mais comme une ouverture à une manière neuve de vivre. Marc est le seul a rapporté qu’au moment de la passion de Jésus un homme le suivait, n’ayant qu’un drap sur le corps. On l’arrête, mais lui, lâchant le drap, s’enfuit nu (Mc14, 51-52). Si Marc nous rapporte cela, c’est parce qu’il y voit que l’homme a tout laissé, toute sa sécurité pour marcher nu, dépourvu de tout, sans protection vers l’aurore pascal. Jésus ne vient pas nous infantiliser. Il nous ouvre à nos fragilités.
Nous sommes appelés, l’Évangile nous appelle- c’est quand nous entrons dans la Parole de Dieu que nous saisissons cela, à faire le deuil de nous donner une Église parfaite. Nous avons reçu la mission de partir dans la vie sans bâton à la main, sans pouvoir. Je vous envoi comme des enfants – des agneaux- au milieu des loups.
Le Royaume de Dieu est offert à ceux qui vivent cette vulnérabilité avec grandeur. Ne devenons pas des chrétiens sans saveur en refusant le chemin d’être comme des enfants au milieu des loups. Que nos anges gardiens nous accompagnent. AMEN
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