2025-C- mardi de la 21e semaine ORDINAIRE (LITCO21M.25)
Mt 23, 23-26- le ministère de l’œil.
Nous sommes tous et toutes atteints d’un virus indélogeable qui remonte dans la lointaine antiquité et que le pape François dans sa lettre encyclique Dilexit nos- Dieu nous aime- nomme la maladie de l’extérieur (DN # 88). Nous accordons beaucoup d’importance à ce que nous voyons, entendons. Séparer l’extérieur de l’intérieur, c’est comme couper la plante de ses racines. Pas besoin d’être croyant pour dire cela. C’est seulement du gros bon sens. Nous sommes plus que nos actions, plus que nos apparences.
Nous regardons sans regarder, voyons sans voir, écoutons sans écouter (Mt 13, 14). Nous pou-vons voir et passer outre. Nous pouvons aussi voir et ressentir de la compassion comme l’indique le bon samaritain (Lc 10, 25-37). Dans cette parabole, l’extérieur montre ce que vit le bon samari-tain. Jésus appelle à donner de la profondeur à nos regards. Son regard n’est que compassion.
Une question à nous poser : qu’est-ce qui est le plus important dans ma vie ? Dans ma vie de chré-tien ? Le visible ou l’invisible ? Savons-nous porter notre regard au-delà du visible ? Il y a de l’invisible dans le visible. Voir sans agir ou agir sans voir, c’est mal poser la question. Retenons la réponse du Petit Prince à son ami le renard : on ne voit bien qu’avec le cœur, l’essentiel est invi-sible aux yeux. C’est le temps que tu as perdu pour ta rose qui fait ta rose si importante. Mais qu’est-ce que voir avec le cœur ?
Nous sommes éduqués à la vie extérieure qui fascine et accapare toute notre attention. Nous vi-vons dans un monde qui va vite, qui s’agite, où tout nous presse, nous oppresse, sans cesse. Une véritable conspiration contre toute vie intérieure, résumait Bernanos. Les racines de l’œil sont dans le cœur. C’est à partir du cœur que l’œil voit.
L’humoriste Raymond Devos décrit bien le genre de vie que nous menons. La vie n’est plus que mouvement extérieur : C’est une gesticulation ! Les gens courent partout sans raison : pourquoi tous ces gens-là courent-ils comme des fous ? Il me dit : – Parce qu’ils le sont (…) – Qu’est-ce qui fait courir tous ces fous ? Il me dit : – Tout ! Tout ! Il y en a qui courent au plus presser. D’autres qui courent après les honneurs, pour la gloire. Il ne suffit pas de louanger ceux qui paient la dîme sur la menthe. Notre objectif, écrit Paul, est de voir ce qui ne se voit pas (2 Co 4,18). Notre regard ne doit être qu’amour.
Notre premier regard ne suffit pas. Cessons de regarder et commençons à voir (Thomas Merton). Notre regard n’est jamais parfaitement pur. Il est mélangé entre voir le beau et le mauvais qui poussent ensemble dans le champ (Mt 13, 24-40) de nos cœurs. C’est ce qui sort du cœur qui est important (Mt 15, 11). C'est du cœur que viennent les mauvaises pensées (Mt 19, 19). Purifie d’abord l’intérieur de la coupe, afin que l’extérieur devienne pur (Mt 23,26). Gardez-vous de faire vos bonnes œuvres devant les hommes, pour être vus d'eux (Mt 6,1).
Le grand priant saint Bernard observait que ce n’est pas par les yeux, par les oreilles, par le toucher que Jésus entre en nous. Il est au-delà de tout ce qui est extérieur, au-delà de tout ce qui est inté-rieur, au-delà de toutes les cimes du monde, de toutes bassesses du monde. Il est l’être de notre être. En lui nous vivons, en lui nous avons le mouvement et l’être (Ac 17,28). Plus intime à nous-mêmes que nous-mêmes (Saint Augustin).
Il nous faut longuement porter attention à l’attitude de Jésus devant une vie de façade qu’il observe chez les dirigeants religieux. Ses nombreuses réactions n’ont qu’un seul but : nous éveiller au minis-tère de l’œil. Le philosophe Martin Heidegger décrit bien ce ministère de l’œil quand il écrit que nous ne voyons pas parce que nous avons des yeux, mais nous avons des yeux parce que nous sommes voyants par le fond de notre nature.
Commençons à voir par le cœur.
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