2025-C : conversion de saint Paul
Mc 16, 15-18 : il a cessé de vivre.
Soyons très clairs. Paul n’était pas un enfant de chœur. Orgueilleux de sa formation religieuse, farouche conservateur, voire même un intégriste, il était l’ennemi numéro un des chrétiens. Au nom de sa foi, il se promettait de combattre cette secte naissante des disciples de la Voie.
Sur la route de Damas, cette mission a changé de direction. Il ne s’agit pas à proprement parlé d’une conversion. Il dit lui-même qu’il a cessé de vivre. Je suis mort à la loi (Ga 2, 19). En entendant trois petits mots, je suis Jésus, il est devenu homme nouveau. La grâce en lui ne fut pas vaine (1 Cor 15). Gracié de son comportement de tueur, il n’a pas perdu son zèle, il l’a orienté autrement. Pour utiliser une image, il fut retourné comme une crêpe.
Il a cessé de vivre. Paul était tellement saisi par la loi juive qu’à l’entendre parler, qu’à observer sa manière de la pratiquer, on aurait pu ouvrir un procès de canonisation. Paul était perçu comme un grand prédicateur intransigeant, un missionnaire flamboyant de sa foi. Quant à la Loi, un pharisien ; quant au zèle, un persécuteur de l'Église ; quant à la justice que peut donner la Loi, un homme irréprochable (Ph 3, 4-6).
Enfant terrible du christianisme (Daniel Marguerat), personnalité forte, homme colérique jusqu’à traiter les Galates de stupides (Ga 3, 1), ce pharisien, fils de pharisien (Ac 23, 6) affirme qu’à cause de Jésus, ce qui était pour moi un gain (sa foi juive), je l'ai considéré comme une perte (Ph 3,7). Comme pour Jean-Baptiste sortant d’un long séjour au désert, Paul, pour nous montrer quelqu’un de plus grand que lui dont il ne se sent même pas digne d'être l'apôtre, a entré, nous l’oublions, dans un long noviciat, dix ans, disent les exégètes. Ça prend du temps pour connaître d’expérience Jésus !
Il a cessé de vivre. Cet homme de science, formé dans les plus grandes écoles rabbiniques de l’époque, a cessé de vivre pour une doctrine. Il fut saisi non par une doctrine à enseigner, mais par une rencontre avec un Vivant et en fût ravi jusqu’au troisième ciel (2 Cor 12,2). Il fait l’expérience d’être aimé de Dieu. Sa foi n’est pas une théorie, une opinion sur Dieu et sur le monde. Elle est l’impact de l’amour de Dieu sur son cœur[1]. Toutes les lettres de Paul sont à entendre comme un retournement de son cœur. Paul n’en éprouva jamais de l’orgueil. Il s’est laissé saisir, aimer, et façonner un cœur humble. Le Dieu qu’il allait tuer est devenu le Dieu qui allait tuer en lui son orgueil de se savoir bon pratiquant de sa foi juive.
Il a cessé de vivre. Paul a cessé d’être un pieux croyant en Jésus. Il entendait le Christ, celui qu’il persécutait, lui parler concrètement à travers les situations concrètes de la vie. Dans les moments d’exaspération où son écharde lui pesait lourd ou en affrontant des rejets douloureux, il entendait une voix lui dire : ma grâce te suffit. Ma puissance s’exprime dans ta faiblesse.
Il a cessé de vivre. Le message de Paul est simple. La loi du Christ (Gal 2,6), c’est l’amour d’autrui. Il l’exprime clairement aux Corinthiens. Je peux être prophète, avoir l’intelligence de tous les mystères et toute connaître, déplacer des montagnes, partager tout ce que j’ai pour nourrir les autres, livrer mon corps au bûcher, sans amour je ne suis qu’une cymbale (1 Cor 13 2-3).
Ces mots ne sont pas des mots humains, ils viennent de Dieu et pour citer Bernanos qui nous mettent le feu au derrière et font de nous des pèlerins d’espérance. AMEN
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