2025-C- Dimanche de l’Épiphanie.
Mt 2, 1-12. Le langage de Dieu.
Attention. Ce texte n’est pas un reportage sur ce qui s’est passé. C’est un texte éclairant. Un texte pour nous aujourd’hui. Hommes de science, les Mages, reconnus comme des interprètes compétents et officiels des événements extraordinaires et des phénomènes de la nature, voient apparaître selon la légende une lumière nouvelle, inattendue dans la nuit. Aujourd’hui, on parlerait des astrophysiciens qui découvrent une ou de nouvelles planètes. Ces hommes de sciences ont reconnu le langage de Dieu.
Mais ce Verbe fait chair, ce langage est venu chez les siens, écrit le poète Jean Grosjean, les langagiers que nous sommes n’ont pas reçu le langage. Cela s’appelle le scandale du monde. La véritable histoire commence dans la très lointaine antiquité avec ceux qui accueillent ce langage, avec ceux qui se risquent à se fier à son message. Ce langage, dit le poète, ne s’est pas contenté d’être, il est devenu Parole.
Ceux qui entendent ce langage, une sorte d’étoile dans les nuits du monde, se lèvent, quittent leur sécurité, se risquent à se mettre en route pour voir ce visage, toucher de leurs mains sa vie et de l’annoncer, comme l’exprime le prologue de saint Jean.
C’est cette aventure que nous soulignons dans cette fête de l’Épiphanie. Des hommes de science, des chercheurs de sens, des païens sont le buisson ardent qui permet à Dieu de se manifester[1].Dans les très beaux mots d’un poète Kazil Nazrul Islam, ils ont arraché la lumière hors du ventre de l’obscurité[2]. Que c’est beau.
Nous ne célébrons pas cette fête pour nous évader des noirceurs de notre monde. Elle n’est pas une sorte d’opium. Elle nous met, remet en marche. Nous avons vu son étoile à l’Orient et nous sommes venus l’adorer (Mt 2,2). Cela a terrorisé les notables de Jérusalem.
Qu’ont vu les mages ? Un père de l’Église, saint Pierre Chrysologue, répond avec des mots qui sont à nous couper le souffle : ils voient le ciel sur la terre et la terre dans le ciel. Ils voient l’Homme en Dieu et Dieu dans l’homme. Ils ont vu le vrai roi sans palais, sans trône, sans garde du corps, sans sceptre ou faste. Tout cela, ils l’avaient vu chez Hérode. Tellement éblouis, qu’ils offrent à l’enfant de l’or, de l’encens et de la myrrhe. Langage pour lui dire leur adoration. Ce sont des païens qui ont fait cela !
Comme les Mages, nous avons la capacité de voir, de discerner, de contempler au milieu du « smog », une parole – le Verbe s’est fait humain - qui nous fait respirer un air vivifiant et allumer des lueurs d'espoir dans les ténèbres. Nous avons la capacité de ne pas nous contenter de regarder que le sol : la santé, un peu d’argent et quelques divertissements. Les Mages ne se sont pas contentés de vivoter, de surnager. Ils ont eu l’intuition que, pour vivre vraiment, il faut avoir le regard levé.
L’étoile qu’ont vue les Mages n’est pas une étoile filante qui crée des émotions fortes, mais qui ne met pas en marche. Elle n’est pas une sorte de météore qui brille pour disparaître aussitôt. Quand nous reconnaissons cette étoile, nous éprouvons une grande joie (Mt 2, 10). L’étoile les a fait bouger, sortir, risquer l’inconnu. Ils ne sont pas restés immobiles. Les Mages ont peu parlé. Ils ont beaucoup marché. Ils furent des pèlerins d’espérance.
Je termine par une question. Sommes-nous des chrétiens adorateurs. Nous pouvons réciter des prières sans adorer. Le psaume nous invitait à adorer : toutes les nations, Seigneur, se prosterneront devant toi. En adorant, nous donnerons comme les Mages de la profondeur profonde (Thérèse d’Avila) à notre recherche de l’étoile Jésus. Et comme eux, nous expérimenterons une très grande joie (Mt 2, 10). Ne nous contentons pas de petites lumières qui éclairent l’immédiat, mais qui sont incapables de montrer la route (Encyclique lumière de la foi # 3). AMEN.
[1] A. GESCHÉ, Dieu pour penser, Ed Cerf, 1993 p.276.
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