Année B : samedi de la 6ière semaine de PÂQUES (litbp06s.24)
Jn 16, 23b-28 : ce qui ne meurt jamais.
Nous avons tous besoin de guérir nos regards. Le je suis sorti du Père, venu dans le monde et je quitte le monde n’est pas à comprendre comme une élévation physique de Jésus vers le ciel. C’est pur fondamentalisme. Cette montée de Jésus est autre chose que l’histoire d’Élie qui a permis à Élisée en le voyant disparaître vers le ciel de recevoir un peu de son esprit (2 Roi 2). La vie que l’on croyait fuir nos regards nous est toujours présente. Je serai avec vous tous les jours.
Pour Jean, Jésus nous livre son testament : d’agir en mon nom, demander en mon nom. Il s’agit de quelque chose de plus grand qu’un départ physique. Il s’agit de la prière qui est autre chose qu’un mot père Noël ; autre chose qu’un dernier recours ; autre chose qu’une pétition adressée à quelqu’un de supérieur à moi, d’extérieur à moi. Autre chose qu’une activité à faire ou à ne pas faire. Autre chose qu’une question de savoir comment prier.
Pour comprendre cet autre chose, mon regard s’arrête sur ces trois petits mots en mon nom. Plus je prononce ces trois petits mots, plus je réalise que je suis loin de les comprendre. Trois petits mots autorévélations de la réponse de Jésus à sa question pour vous, qui suis-je ? Ils révèlent ce que Jésus dit, lui, de lui-même. Ils font entendre ce qu’il pense, lui, de lui-même. Il est pain de vie, lumière du monde, pasteur qui fait entendre sa voix, porte qui ouvre sur une vie pleine, vérité qui libère, souffle qui tient la vie en vie en nous.
C’est quand nous sommes dans ce je suis, c’est lorsque ce je suis n’est plus quelqu’un d’extérieur à nous, qu’il est en nous, qu’il vit en nous – je ne vous quitte pas, je serai avec vous tous les jours – alors et alors seulement il nous accorde toujours tout ce que nous lui demandons. Quelques-uns t’estiment du bout des lèvres, très peu te placent au milieu de nos cœurs[1]. Celui que vous priez est tout près de vous. Il ne manquera pas de vous entendre (Thérèse d'Ávila).
Quand nous avons l’impression de ne pas avoir été entendus, écoutés, lorsque nous oublions qu’il ne faut pas juger sur les apparences, à partir des émotions ressenties, mais porter un jugement juste (Jn 7, 24), quand ce en mon nom réside à l’extérieur de nous, qu’il n’est pas en nous, cela confirme que Jésus nous a vraiment quittés.
Prier en son nom, demander en son nom, c’est nous laisser transformer en ce pain, en cette lumière, en ce chemin, en ce souffle qui insère de la profondeur à notre vie, qui donne de la vie à la vie. C’est s’évangéliser soi-même pour évangéliser, dit le Père Cantalamessa, se remplir de Jésus pour ensuite l’annoncer par redondance d’amour[2].
À la veille de l’Ascension, Jean nous interpelle et pas à peu près. Pas juste un petit peu. Ce n’est pas Jésus qui nous quitte. C’est plutôt nous qui le quittons en percevant ce je suis à l’extérieur de nous. Ce je quitte le monde est une descente en nous-mêmes. Plus nous descendons en nous-mêmes, plus nous percevons que Jésus ne nous quitte pas. Il est ce feu dévorant qui nous brûle par l’intérieur.
L’Ascension, c’est l’abolition de toute distance entre Jésus et nous. Avec ce départ, Jésus, le Dieu de notre foi, n’est pas à chercher au-dehors, il est au-dedans, dans ce vaste puits des silences qui nous alimentent en eau pure (Jean Lavoué). C’est le commencement d’un pèlerinage vers celui qui habite en moi, celui qui ne nous quitte pas, dit Jean, l’évangéliste de l’intériorité. C’est la fête de la profondeur de la rencontre de Jésus en nous, dans notre monde, au cœur de toute communauté chrétienne et pas seulement dans l’eucharistie comme nous l’exprimons souvent.
Le ressuscité est dans l’Eucharistie et nourrit notre foi. Il est dans la communauté chrétienne, insufflant son Esprit et impulsant la mission. Il est dans les pauvres, entraînant nos cœurs à la compassion. Il est là tous les jours, jusqu’à la fin du monde. Il ne nous quitte pas. Cela devrait générer en nous une grande paix, indice que Dieu est en nous.
Je termine par ces mots du mystique Angelo Silesio (1624-1677) : Ô, Chrétien, où cours-tu ? Le ciel est en toi ; pourquoi donc le cherches-tu à une autre porte. AMEN.
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