Année B : samedi de l’octave de Pâques(litbp00s.24)
Mc 16, 9-15 effondrement
On demande un jour à James Bound quel est son passe-temps favori ? Il donne cette réponse étonnante : résurrection. Il ne voulait pas vivre, étouffer, enfermer dans sa prison dorée. Pour nous dire cela, la liturgie parle de gloire, d’exaltation, de relèvement, d’éveil. Notre passe-temps, nous éveiller à la vie. Nous pouvons bien célébrer Pâques, mais en gardant en nous les ténèbres de la nuit (homélie vigile pascale). Qui peut nous enlever cette immense pierre qui inquiétait les femmes, ces pierres de mort (pape François) qui obscurcissent nos regards ?
Jésus de Nazareth ne se laisse pas enfermer : ni par les liens familiaux, ni par son groupe de disciples, ni par la Loi, ni par les représentations que l’on se fait de lui, ni par la mort. Il n’est pas resté prisonnier du tombeau. Relevé d’entre les morts, il est vivant à jamais. Depuis ce matin de Pâques, le soleil levant ne connaîtra jamais l’obscurité, le déclin. Il sera la lumière dans nos ténèbres.
Ceux qui sont convaincus que Pâques est l’autre face (Paul V1) de la vie, la plus grande mutation de l’histoire (Benoit XV1), il est inutile de tenter de leur faire changer d’idée. Cela se voit chez les tenants de l’extrême droite comme de gauche autant politique que religieuse. Chez les conspirationnistes ou complotistes. Cela se voit aussi en ceux qui ont rencontré Dieu, comme l’a récemment montré la revue LEVERBE (janvier-février 2024) en nous présentant un homme nouveau, Éric-Emmanuel Schmitt, pourtant bien connu pour son athéisme.
Visitant Jérusalem à la demande expresse du Pape pour écrire un livre sur la Terre sainte (le défi de Jérusalem, Ed. Albin Michel 2023), il fut traversé de part en part par Jésus en personne. J’ai fait, dit-il, une expérience mystique avec Jésus (…) qui se trouvait là, devant moi, autour de moi et en moi, dont je sentais l’odeur, ressentais la chaleur et le regard sur tout mon être. Je me suis effondré, là, par terre. Effondrement, dit-il.
Comprenons bien. Il ne s’agit pas de retrouver ce qui est perdu. Marie-Madeleine ne reconnait pas Jésus. Les apôtres demeurent sceptiques. Pâques est plus qu’un passé heureux qui refait surface ou qui redonne une seconde vie à des choses anciennes. C’est un grand passage qui invite à ne pas voir le temps qui passe comme une menace, mais comme le chemin que prend l’éternité de Dieu pour nous rejoindre. Quelles que soient les situations dans lesquelles nous nous trouvons, les évangiles et Paul nous demandent de nous émerveiller.
Devant les tensions actuelles, devant le sécularisme de notre société, il est facile de s’enfermer dans notre cocon, comme le ver de soie pour rester dans le confort et la sécurité d’une foi vécue en mode privé. Il est facile d’étouffer la compassion du bon Samaritain (Lc 10, 25-37), celle de ne pas perdre sa vie pour la sauver (Mc 8, 34-35). Il est facile de demeurer dans le camp de l’homme riche qui avait de grands biens (Mc 10, 21). Il nous est demandé de nous émerveiller, d’exalter de joie. De ressusciter chaque matin. De passer de la peur à la confiance, de la désolation à la communion (message pascal 2023). C’est notre passe-temps.
Ce n’est pas le tombeau vide ni les apparitions de Jésus, pures fictions, dit Joseph Moingt qui pourtant croit dur comme fer en Pâques, qui amènent les premiers témoins à annoncer l’invraisemblable nouvelle. Là n’est pas le cœur du message. En final de son évangile, Marc montre des gens pleins de vie après des heures d’effondrement. La lecture parle de gens sans culture qui ébranlent les ténors du temple. Qu’allons-nous faire de ces gens ? Même les menaces n’y changent rien.
Nous célébrons un événement « passage » vers quelque chose de beau qui se vit aujourd’hui. On rapporte qu’une femme de quatre-vingt-cinq ans, assît dans un RPA à une table dans la salle à manger avec un homme enfermé dans un silence de mort, s’entend dire après des semaines d’une présence sereine à ses côtés, que grâce à elle, il a repris goût à la vie. Elle a vaincu son silence non pas la force, non par de savants calculs, mais par une présence, la sienne, habitée par le Dieu de sa foi.
Pâques ne résout pas tous les problèmes. Ne nous laissons pas submerger par eux. Gardons le cœur brûlant comme les disciples d’Emmaüs et la foi de Thomas de croire pour voir et non de voir pour croire. AMEN.
Ajouter un commentaire