Année A : samedi de la 28e semaine du temps ordinaire (litao28s.23)
Lc 12, 8-12 : nos tressaillements de joie.
Pour être chrétien, et plus encore pour la moniale que vous êtes, il faut plus que de se déclarer pour Jésus. Il faut être Jésus, être « évangile », être bonne nouvelle. Il faut un cœur dilaté par l’indicible douceur de l’amour[1], fruit de la contemplation, un cœur qui confesse à Dieu qu’il est fou d’affection et de tendresse pour lui. Savoir et déclarer que Dieu existe ne suffit pas, il faut se compromettre en son nom.
Confesser Dieu n’est pas d’abord se reconnaître pêcheur, même si chacune de nos eucharisties débute par cette reconnaissance. Jésus ne s’arrête pas à nous reprocher nos lèpres incurables, nos échardes qui nous marquent au fer rouge. Il nous offre d’être lui. C’est beaucoup plus que de se déclarer pour Jésus. C’est un retournement complet que de ne plus être attiré par soi-même, mais par Lui ; que de passer de l’amour de soi-même à l’amour de Lui.
Quand dans sa réponse au scribe qui le demande pour le mettre à l’épreuve quel est le premier de tous les commandements (Mc 12,28-34), Jésus lui déclara que tu n’es pas loin du Royaume de Dieu. Il lui signifiait que la théorie ne suffit pas, qu’il faut le confesser sur le chemin de la vie, être lui ; faire nôtre son mode de vie : ce n’est plus moi qui vis, mais Christ qui vit en moi (Ga 2, 20) ; c’est se laisser posséder par l’amour du Christ (2 Cor 5, 15).
Ce matin, ne regardons pas les efforts que cela exige de se déclarer pour Jésus. Contemplons, comme l’exprime une prière eucharistique, qu’il nous a estimé dignes de nous tenir devant lui pour le servir. Contemplons un appel qui devrait nous étonner : suis-moi. C’est la racine de toute vie chrétienne. La vitalité de toute déclaration pour Jésus repose sur notre vitalité à « être Jésus »[2]. C’est l’intensité de notre vie en lui, avec lui et par lui qui atteste notre poids d’être chrétien et qui fait sens aujourd’hui.
La déclaration la plus forte que nous puissions faire retentir est de montrer que l’on prend soin de Dieu en soi et dans les autres (Maurice Zundel). De montrer le tressaillement de notre charité. Tressaillir, c’est être “touché à l’intérieur”, avoir un frémissement intérieur, sentir que quelque chose bouge dans notre cœur[3]. C’est ainsi que nous sommes comme chrétiens des évangiles vivants.
Ce qui atténue souvent notre tressaillement de joie de nous déclarer pour Jésus est notre souhait de conserver en même temps l’esprit de la mondanité. Nous avons tous dans nos façons de vivre des idoles cachées qu’il s’agit de reconnaître pour les détruire. Il arrive que subtilement, nous échangions notre intérêt pour Dieu avec les nôtres. Nous cachons sous nos prises de position pour Dieu nos propres intérêts[4]. L’oraison disait tantôt : donne à ceux qui se déclarent chrétiens de rechercher ce qui fait honneur à ton nom.
Ce matin, songeons à nos nombreux tressaillements de joie d’avoir montré Jésus. Nous avons besoin aujourd’hui de croyants capables de faire tressaillir de joie des cœurs tant ils voient que nous sommes des passionnés de Jésus jusqu’à risquer de nous déclarer pour Jésus.
La thématique de la journée mondiale des missions demain précise que ce tressaillement passe par des cœurs brûlants et des pieds qui marchent (Lc 24, 13-35). C’est la rencontre avec Jésus qui a transformé des disciples déçus, tristes, à rebrousser chemin et courir annoncer que Jésus marchait avec eux sans qu’ils le sachent.
Laissons Jésus brûler nos cœurs, nous éclairer et nous transformer et nous serons des évangélisateurs de son nom. AMEN.
[1] Prologue de la règle de saint Benoit # 49.
[2] C’est l’affirmation d’ouverture de Perfectae caritatis, n. 1. Plus fervente est l’union au Christ [...] plus riche […] plus fécond devient l’apostolat.
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