Année A : samedi 2er semaine pascale (litap02s.23)
Jn 6, 16-21: le fond du baril
Ouvrons les yeux ! À l’heure où les révélations s’enchaînent, dévoilant toujours un peu plus ce que l’humain porte de noirceur en lui, sans savoir si cette marche sur les eaux s’est réellement produite, cette scène fait surgir une cruelle réalité : la vie, toute vie se vit sur une mer agitée. Une expression populaire utilise l’image de marcher sur des œufs. Cela traduit un sentiment d’insécurité. D’autres préfèrent l’expression, on n’est pas sorti du bois.
Alors que plusieurs s’interrogent s’il faut quitter la barque Église ou rester, Jean fait entendre un appel qui retentit à chaque manifestation pascale de Jésus : n’ayez pas peur. N’ayons pas peur des problèmes, ne les maquillons pas, ne les cachons pas, affrontons-les avec confiance. Aujourd’hui, comme croyants, nous marchons sur des œufs aux allures d’une marche sur les eaux.
Cette scène est une description de ce que nous vivons chaque jour. Elle invite à un déplacement vers l’intérieur, à toucher nos racines profondes. À naître autrement. À vivre sans autoréférentialité. Saint Bernard écrit que celui qui se prend pour son propre maître, celui-là est un sot. La réalité : notre Église est une barque fracassée. Le seul sacrement incontournable est l’assurance d’une Présence qui dort en nous.
Quand la tempête est forte, quand le cœur n’y est plus, quand tout s’emmêle, quand tout s’écroule, quand on ne sait plus quelle direction prendre, quand surgit la déchirante question partir ou rester, le mieux à faire est de rejoindre les deux disciples d’Emmaüs. Ils nous apprennent à avancer, un pas devant l’autre, pour décoincer ce qui nous étouffe. La vie n’est pas toujours tranquille ni belle.
Les Actes, tantôt nous indiquaient que le premier pas face aux difficultés, c’est de bien regarder, d’en parler, de ne jamais les cacher. Une piste révolutionnaire s’est alors présentée à eux. Ils ont inauguré le service de la Parole. Maquiller la réalité ne solutionne rien.
Les deux disciples ont affronté leur réalité. Ils se sont raconté le chemin parcouru, leurs failles, leurs joies, leurs espoirs. Ils se sont écoutés jusqu’à éprouver une forte présence qui leur disait n’ayez pas peur. Dans les difficultés, dans les moments sombres, dans les moments où tout est noir et où nous ne savons plus quoi faire, lorsqu’il fait noir en nous, quelqu’un nous dit n’ayez pas peur. C’est le bonjour pascal de Jésus. N’ayons pas peur quand notre cœur est triste, est sombre, quand notre barque Église est fracassée.
En naviguant malgré la puissance de la tempête, quelqu’un et non un fantôme, a rejoint les disciples dans leurs enfers, leurs enfers de peurs, de doutes, de leurs impuissances, de leurs échecs, de leurs insécurités, de leurs fragilités. Ce quelqu’un les a entrainés vers des eaux plus tranquilles, sur l’autre rive où une lumière intérieure à redynamiser leur cœur.
Ne lisons pas ce texte au premier niveau, celui du littéralisme. Pâques est une descente de Jésus dans nos enfers, dans nos lieux infernaux. Passer d’une manière de vivre sa foi à une autre sera toujours marcher sur des eaux tumultueuses. Nous vivons cela aujourd’hui. Le passage vers la synodalité soulève des vagues qui attaquent la barque Église. Un proverbe africain rejoint à fond notre évangile. Fuir tes problèmes est une course que tu ne gagneras jamais.
À votre contemplation. Une Église en sortie, qui prend le large, qui s’éloigne de ce qu’on a toujours fait comme ça, rencontrera des tempêtes et où il y aura des vents contraires. Je remarque que Jésus ne reproche pas à Pierre son manque de foi en allant le rejoindre sur les eaux agitées, il lui reproche d’avoir peur. En ces temps difficiles, faisons nôtre cette demande des disciples d’Emmaüs : reste avec nous, Seigneur, parce que nous avons besoin de toi pour trouver le chemin. Et sans Toi il fait nuit. Amen.
Ajouter un commentaire