Année C : samedi de la 34e semaine ORDINAIRE (litco34s.22)
Lc 21, 34-36 : vivre éveillé, c’est quoi ?
Un livre récent, le cerveau éveillé, m’a beaucoup rejoint. On y écrit que les psychologues cherchent les blessures d’enfance, alors que souvent, les questions posées font référence au sens de la vie. Nous ne sommes pas seulement émotionnels, nous sommes des êtres spirituels, dit cette recherche récente. Un cerveau éveillé nous connecte à une force de vie (spirituelle) qui se meut à l’intérieur de nous. Il est une composante vitale à la guérison.
Plus nous sommes éveillés, moins nous avons tendance à la déprime, à des comportements pathologiques. Le cerveau éveillé est comme une lunette intérieure. Il est doté d’une capacité naturelle de percevoir une réalité plus grande et de se connecter consciemment à la force de vie qui se meut à l’intérieur de nous, à travers nous et autour de nous […]. Nos cerveaux sont branchés pour percevoir et recevoir ce qui élève, illumine et guérit[1].
Voilà bien l’appel de Jésus pour qui se tenir en éveil n’a jamais fini de nous éveiller. Jésus éveille ceux qui l’écoutent à aller d’abord vers eux-mêmes, vers leur intériorité, vers leur cœur, vers leur humanité profonde, bien au-delà de la considération sociale, des comportements extérieurs, des observances et des pratiques. Il murmure discrètement à nos oreilles de ne pas se fier à ce que nous voyons, de ne pas s’arrêter aux visibles, de ne pas partager l’incrédulité générale, de ne pas se laisser entraîner dans le pessimisme environnant, mais de prendre garde et de veiller (cf. Lc 21,24).
Lire l’évangile en profondeur nous fait comprendre que nous n’avons jamais fini de découvrir et de faire grandir en nous une humanité nouvelle, mystérieuse. Tout part de ce lieu obscur où l’on entend quelqu’un frapper à la porte et qui nous demande la permission d’entrée. Nous expérimentons alors que nous sommes des étincelles (Roger Lenaers) de la vie de Dieu. Et cela guérit de la déprime. Jésus s’efforce de secouer la conscience de ses disciples. Faites attention à ce que votre coeur ne s’alourdisse pas.
Un chrétien, écrit Jean Sullivan, qui a quelque conscience de ce qu'il est, ne peut être qu'un rebelle. Rebelle à quoi ? Aux nouvelles. Un homme ne peut pas ne pas être défait par les nouvelles. Il peut une chose, prendre ses distances, s’absenter du monde pour lui être autrement présent. Nous vivons sur un pilote automatique jusqu’à oublier le mot de passe qui permet de cesser de broyer du noir. Ce mot de passe est « se tenir éveillé »
Appliquons cela à notre situation ecclésiale. Déplorer la perte de visibilité de l’institution Église, de la pratique dominicale est un regard d’une humanité endormie. Dans pas pratiquants les québécois ?, les auteurs appellent à voir que nous sommes catholiques, autrement[2]. Nous vivons le passage d’une Église perçue comme une centrale de service sacramentel à une Église semblable à celle de la vie de Nazareth, là où Jésus assemblait des planches chaque jour.
C’est dans un style de vie, dans une kyrielle de petits gestes, de rencontres anodines que se vit la redécouverte de Jésus qui est plus présent à nous-mêmes que nous-mêmes (Augustin). L’éveil nous conduit à la découverte de petites choses qui ouvrent sur de grandes (cf. Lc 16, 10). Un vieil adage dit que les choses ne nous arrivent pas, elles arrivent pour nous.
La nature nous enseigne que ce qui dépérit prépare le terrain pour les bourgeons du printemps, ce mystère demeuré caché depuis le commencement du monde dont parle Paul. Éveille-toi… et le Christ t’illuminera (Cf. Ep. 5, 14). Renouvelons notre vision, embrassons l’avenir. C’est un travail toujours exigeant, de lucidité, de créativité en vue de trouver une manière moderne d’être chrétien et de dire notre foi. AMEN.
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