Année C : mercredi de la 33e semaine ORDINAIRE(litco33me.22)
Lc 19, 11-28 : sommes-nous ce 3e serviteur ?
Cette parabole des talents contient une charge explosive. Le troisième serviteur n’a fait rien de mal. Pourtant, il est déclaré mauvais, justement parce qu’il n’a rien fait. Il s’est limité à l’enfermer dans un mouchoir. Sa seule erreur, c’est de n’avoir rien fait. Il ne prend pas de risque pour son talent, il ne le fait pas produire, il se limite à le conserver intact dans un lieu sûr. Il s’est laisser paralyser par la peur.
Cette parabole trace l’itinéraire de Jésus. Le risque fut le moteur de sa vie. Jésus fréquente celles et ceux qu’on ne veut pas voir : filles de « mauvaise vie », collecteurs d’impôts, infirmes mendiants, fous et autres personnages de la grande comédie humaine de l’exclusion. De plus, il va jusqu’au bout du risque en acceptant les conséquences, la condamnation probable par les Romains au supplice radical. Jésus n’a pas pris un risque calculé. Il a risqué en envoyant des « moins-que-rien » annoncer son Évangile.
La sagesse populaire le dit : qui ne risque rien, n’a rien. C’est un besoin essentiel dans la vie. Sans risque, la vie est paralysée. Le message de cette parabole est clair. Non au conservatisme, oui à la créativité. Non à une vie stérile, oui à une réponse active à l’appel de Dieu. Non à l’obsession pour la sécurité, oui à l’effort risqué visant la transformation du monde. Non à une foi enterrée sous le conformisme, oui au travail engagé à ouvrir des chemins au règne de Dieu.
La tendance actuelle de ne pas risquer la nouveauté de l’Évangile est une tentation en ce temps de crise institutionnelle que nous vivons. C’est plus confortable de faire ce qu’on a toujours fait (cf. EG # 33) que de ne pas risquer au nom de la prudence, de la fidélité au passé, d’agir comme Jésus qui a maintenu le cap jusqu’à être vu comme un mangeur et buveur, ami des pécheurs (cf. Lc 7, 34).
Le « protectionnisme » ne permet pas de reconnaître la permanente nouveauté de l’Évangile (cf.EG # 41). Il permet seulement de conserver, contrôler le dépôt de la foi. C’est l’attitude du 3e serviteur. Il ne comprend pas que le geste du roi le rend responsable de ses biens. Il pense qu’il répond déjà aux attentes de son maître en gardant son talent en sécurité même s’il reste improductif. Aujourd’hui, le plus grave obstacle à l’annonce de l’Évangile est de reconnaître que nous (pasteurs comme chrétiens) reproduisons l’attitude du 3e serviteur.
Suivre Jésus sera toujours prendre des risques. À des jeunes qu’il rencontrait, le pape leur disait : ne vous contentez pas du pas prudent de celui qui rejoint le bout de la queue. Il faut le courage de risquer un saut en avant, un bond audacieux et téméraire pour rêver et réaliser comme Jésus le Règne de Dieu et vous engager pour une humanité plus fraternelle. Nous avons besoin de fraternité : risquez, avancez ![1]
Ce message-là, le pape François l’exprime sur toutes les tribunes depuis qu’il l’a énoncé dans son texte phare qu’est la joie de l’Évangile. Je préfère une Église accidentée, blessée et sale pour être sortie par les chemins, plutôt qu'une Église malade de la fermeture et du confort (cf.EG # 49).
Un évêque, Mgr Faubert, disait que lors d’un déjeuner de la prière pour des professionnels que le principal lieu dont il faut sortir, ce n’est pas de notre temple pour aller sur la place. Le lieu dont il faut sortir, au risque de vous scandaliser, c’est de notre nombril ecclésial[2]. Il faut sortir de l’inquiétude excessive pour nous-mêmes, pour nos structures, sinon nous ressemblerons à cette femme courbée sur elle-même, en regardant son nombril (cf. Lc 13, 10-13). Jésus lui dit : lève-toi, regarde au loin.
Ne lisons pas cette parabole comme ne s’adressant pas à nous. Si nous ne prenons pas la responsabilité du royaume comme Jésus l’a fait, en cherchant du vin nouveau dans des outres neuves, c’est que nous manquons de cette fidélité active, créatrice et osée à laquelle nous invite la parabole de ce jour. AMEN.
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