Année C : mercredi de la 14e semaine ORDINAIRE (litco14me.22)
Mt 10, 1-7 : qu’est-ce que c’est que ce choix ?
Je suis toujours ému en lisant ce choix de Jésus qui ne s’appuie sur aucun CV remarquable. Jésus ne manifeste aucun intérêt à rechercher des candidats ayant une grande compétence administrative et jouissant d’un leadership reconnu. Il ne recherche pas des candidats reconnus pour leur intelligence supérieure et capables d’entreprendre des études doctorales en science de la religion. En privilégiant des gens ordinaires, sans compétences universitaires, Jésus répond à la question pour vous qui suis-je ? Il laisse voir autrement, Dieu (Raphael Buyse).
Devant ce comportement étonnant de Jésus me vient en mémoire ce cri mân-hou, ce qu’est-ce que c’est (cf.Ex 16,15) que le peuple d’Israël adressait à Moïse devant la manne dans le désert. Ce choix est si déroutant qu’on peut se demander qu’est-ce que c’est que ce choix ? Qu’annonce-t-il ? Que laisse-t-il prévoir pour l’avenir?
Une conviction émerge : ce choix nous fait passer d’un Messie attendu à un Messie inattendu. Il conteste notre image de Jésus et anticipe une manière inédite de vivre de Jésus. La recherche de candidats super-puissant, super-performant, ne fait pas partie de ses critères de sélection. Mân-hou ? C’est le voici l’homme (Jn 19,1), dont clamait Pilate.
Ce choix libère Jésus d’une image qui lui collait à la peau, celle d’être plus Dieu qu’un humain ordinaire comme nous. Il est central de se poser la question. Qui est vraiment Jésus pour moi versus qui a été Jésus pour moi ? Il faut libérer Jésus de l’image statique que nous en avons. Ce Jésus-Christ est le même hier, aujourd'hui et éternellement (Cf. He 13, 8) n’est pas dans nos vies, le même hier, aujourd’hui et pour toujours. Si nous ne faisons pas ce travail, de modifier notre image de Jésus, notre foi devient statique. Stérile.
Si nous pensons, écrit Diana Butler Bass[1] dans son livre libérer Jésus, qu'être avec Jésus signifie obtenir les bonnes réponses d'un credo ou se rappeler des points de doctrine d'un sermon, nous n'arriverons probablement pas à vraiment connaître Jésus. Nous ne réussirons qu'à garder les bonnes réponses griffonnées sur une page arrière de notre mémoire. Devant ce choix man-hou ? Qui est Jésus pour agir ainsi ?
Ce choix nous apprend que parler de Jésus sans avoir à recourir à ce que nous avons appris et lu sur lui est possible, voire essentiel. Le message de ce choix est limpide : nous pouvons parler de lui et de son impact dans nos vies à partir de notre expérience avec lui. Mân-hou ? Quelle déroute que de ne pas attendre d’avoir reçu un mandat officiel, une reconnaissance officielle pour parler de Jésus.
Ce choix ouvre sur un mode synodal de parler de Jésus. Le pape disait récemment qu’il est toujours important de garder la pensée incomplète. Je suis allergique aux pensées qui sont déjà complètes et fermées […] il n'y a rien de plus dangereux […] que de penser qu'on a déjà tout compris, que l’on contrôle déjà tout[2]. Oui, quelle déroute que ce choix provoque dans nos manières de parler de Dieu ! Mân-hou ! Jésus ouvre un chemin que nous avons perdu, celui de parler de lui à partir de l’en bas, de l’humain plutôt qu’à partir des chaires universitaires.
À votre contemplation : ce choix dicte une règle fondamentale : on ne peut enfermer Dieu dans des connaissances universitaires ou dans les mandats qui nous autorisent à parler de lui. Nul ne possède Dieu, nul ne possède la vérité, et j’ai besoin de la vérité de l’autre. Personne ne peut avoir le dernier mot sur Dieu, de n’avoir rien à apprendre de la foi de l’autre. Mân-hou ! qu’est-ce que c’est que ce choix ? AMEN.
[1] Diana Butler Bass, Freeing Jesus: Rediscovering Jesus as Friend, Teacher, Savior, Lord, Way, and Presence. NY, HarperOne 2021.
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