Année C : mercredi de la 6e semaine de PÂQUES (litcp06me.22)
À entendre Jésus affirmer qu’il a encore beaucoup de choses à nous dire, il faut vite en conclure que l’occupation préférée de Dieu, c’est de se faire connaître à fond. Vous ne me connaissez pas, dit à plusieurs reprises Jésus. L’évangile ne cache pas l’énergie de Jésus à faire connaître le vrai visage du Dieu de sa foi. Un Dieu si différent, si inattendu, si peu croyable. Le visage du Dieu que Jésus découvre dans sa prière et qu’il nous fait connaître, est celui d’un Dieu de proximité, de compassion envers les moins que rien et non un Dieu tout-puissant, lointain et habitant dans un autre monde.
Le centre du message de Jésus, ses prises de parole, sa manière de se démarquer de la vision polarisante du pur/ impur, sa proximité avec les femmes, n’appelle pas une fuite du monde, mais à ce distancier du Mauvais (Cf. Jn 17, 15). Ses heures à l’écart le renvoient toujours dans la Galilée des Nations pour annoncer un Royaume où les exclus ont la première place. La gloire de Dieu, c’est d’élever nos regards vers ceux qui nous entourent plutôt que de les regarder de haut.
Un Dieu inconnu tant Jésus ne déracine pas les foules de leur « terre » en les invitant à vivre les « yeux en l’air », à regarder le ciel pour solutionner, alléger le poids de leur quotidien. Il leur annonce l’arrivée d’un Dieu inimaginable, un Dieu de proximité, un Dieu à rencontrer dans le service des autres. C’est à moi que vous l’avez fait. Cela dérange les leaders religieux qui orientent leur prédication sur la séparation des purs/impurs, sur une pratique parfaite de la loi pour obtenir la vie éternelle. Vous dites et ne faites pas.
Pour Jésus, ce qui est premier dans sa foi, ce n’est pas de nous mériter le ciel, c’est l’ouverture aux autres, même les exclus. À qui lit les textes évangéliques en respectant le message de Jésus reconnaît facilement qu’il ne « bosse » personne, qu’il ne se laisse pas « bosser » par aucune tradition religieuse non plus.
Pour bon nombre de nos contemporains, bon nombre de chrétiens, pour nous aussi, nos images de Dieu parlent plus de nous-mêmes que de Dieu. Le christianisme apparaît comme une vieille armoire familiale que l’on conserve précieusement. Si certains en admirent sa beauté antique, une grande majorité n’y voit plus son utilité. La Bonne Nouvelle n'apparaît plus ni bonne ni nouvelle. Elle ne fascine plus ceux qui préfèrent la dernière nouveauté du jour. Ce que vous vénérez sans connaître, voici ce que moi, je viens vous annoncer.
Paul, profondément indigné de voir à quel point la ville d’Athènes est pleine d’idoles, leur annonce ce Dieu inconnu, un Dieu non idolâtrique de lui-même[1], non tourné vers lui-même, un Dieu dont personne ne pouvait et ne peut soupçonner la profondeur de son estime, de son amour pour nous. Dieu nous sera toujours inconnu tant il est le Tout Autre, répétait souvent Christian de Chergé, prieur de Tibhirine. Nos images sur Lui risquent de produire des chrétiens athés, des païens cléricalisés, disait le pape s’adressant aux prêtres lors de la messe chrismale du jeudi saint dernier.
Dieu sera toujours inconnu tant nous sommes incapables d’imaginer ce que nous sommes pour lui. Il faut aller jusqu’au bout de la foi. Il faut casser notre regard idolâtrique sur Dieu. Fais-moi voir ton visage et ce visage de Dieu – c’est l’inouï de la bonne nouvelle - porte sur nous un regard contemplatif. Nous regardant, il restitue en nous notre beauté originelle. Son regard sur nous est une déclaration presque incroyable : montre-moi ton visage parce que je l’ai déjà vu quand je t’ai créé et je l’ai trouvé bon, très bon.
Voilà où nous conduit l’Esprit de vérité. Il nous fait connaître un visage qui nous regarde comme son trésor. Alors une question : pourquoi sommes-nous si laids à nos yeux ? Le temps pascal se termine sur une déclaration qui devrait nourrir ce temps ordinaire qui reprend : l’Esprit saint nous accompagne pour faire connaître à notre monde cette nouvelle inouïe : je vous appelle mes amis. AMEN
[1] https://www.vatican.va/content/francesco/fr/homilies/2022/documents/20220414-omelia-crisma.html Le pape dans son homélie de la messe chrismale parle d’une idolâtrie cachée en nous.
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