Année B : samedi de la 22e semaine ordinaire (litbo22s.21) 4 sept
Lc 6, 1-5 ; Col 1, 21-23 : Jésus, vrai psychologue des profondeurs.
Ce que les évangélistes ont retenu de Jésus et qu’ils rapportent dans leurs écrits, c’est qu’il fut un perpétuel dissident. Dissident par rapport à l’orthodoxie rigide de son temps. Dissident en appelant les enfants à lui, en fréquentant les femmes, en visitant la Samarie sans égard à sa mauvaise réputation, en mangeant avec des gens de mauvaises vies (Mc 2, 15). Tellement dissident qu’on le croyait fou (Mc 3, 21), hérétique (Jn 8, 48), possédé (Mc 3, 28), glouton (Mt 11, 19), blasphémateur (Mc 2, 7). Dissident face aux exigences rigoureuses de la loi du sabbat.
Devant ses disciples mangeant des épis un jour de sabbat, une question surgit : Jésus les délivre-t-il ou les libère-t-il d’une pratique trop rigoureuse de la loi ? Jésus ne délivre pas d’une obsession de voir le péché partout, d’un Dieu écrasant, dominateur. Il est plutôt pour citer Michel Barlow[1], « Monsieur délivrance ». Sa naissance est l’arrivée de la délivrance. L’autre nom de sa naissance. On le dit homme nouveau. Le nouvel Adam.
Jésus délivre les siens de pratiques dénuées de sens, étouffantes. Il les délivre d’une vie « robotisée ». Le dictionnaire précise que délivrer, c’est se débarrasser d’une gêne qui paralyse, [c’est] guérir, apaiser un tourment. Il en résulte une impression de soulagement. Le premier réflexe de Jésus n’est pas de délivrer ses disciples d’un geste légalement déplorable. Il ne cherche pas à les défendre ni même prendre position en leur faveur. Sa réaction montre un Jésus qui porte avec lui toute nouveauté (Cf. EG no 11). Il veut des disciples en chemin, toujours en recherche du gros bon sens. Il « dérouille » le regard de ses opposants axés sur une fidélité rigoureuse à la loi plutôt qu’à son esprit.
Joseph Moingt parlant de l’attitude de Jésus face à la loi, n’utilise ni le terme délivrer ni celui de libérer. Il voit plutôt Jésus comme un pieux transgresseur de la loi qui n’a laissé que la perpétuelle nouveauté d’un Bonne Nouvelle à annoncer, son « Évangile », illustrée par des paraboles à déchiffrer inépuisablement[2]. Le pape François voit que les pensées de Jésus restent inachevées afin de laisser place au développement ultérieur[3].
Cette scène des épis arrachés fait voir un autre maître, un autre Jésus que celui qu’imaginait le serviteur de la parabole des talents qui, par crainte de son maître, s’empressa d’enterrer son talent (Cf. Mt 25, 14-30). Jésus fut tellement désemparé devant la peur que ressentait ce serviteur que sa réplique fut cinglante : Mauvais serviteur. Le pape précise que ce serviteur a momifié sa vie (Cf. EG no 83). Jésus ne veut pas de disciples momifiés, de chrétiens transformés en momies de musée (Pape François). Il ne veut pas de chrétiens figés dans l’immobilisme, de chrétiens qui rendent sans vie, la vie. Si le sel s’affadit.
Jésus est dissident parce que le Père qu’il invoque est un Dieu dissident (E. Schillebeeckx) par rapport à une certaine orthodoxie. Le Dieu qu’il invoque, qui nourrit sa prière, est pour la vie. Jésus est « monsieur délivrance » à l’image du Dieu invisible, le premier-né de toutes créatures […] en lui commence toute vie nouvelle nous dit Paul dans la lecture. Avouons-le, on parle plus de la loi que de la grâce, plus de l’Église que de Jésus-Christ, plus du Pape que de la Parole de Dieu (Cf. EG no 38). AMEN.
Autres réflexions sur le même passage :
[1] Barlow Michel, Pour un christianisme en liberté. Ed empreinte, 2021. C’est la question qu’aborde l’auteur Michel Barlow dans un livre récemment publié. À lire.
[2] Joseph Moingt, Croire quand même. Libres entretiens sur le Présent et le futur du catholicisme. Éditions Temps Présent, 2001, p. 58.
[3] Pape FRANCOIS, un temps pour changer. Conversations avec Austen Ivereigh, éditions Flammarion, 2020, cité par http://www.garriguesetsentiers.org/2021/05/eloge-de-la-pensee-inachevee.html
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