Année B : mercredi de la 14e semaine ordinaire (litbo14me.21)
Mt 10, 1-7 ; Gn 41, 55-57 ; 42, 5-7a.17-24a : le temps des laïcs.
On peut sans doute exprimer sans se tromper que le choix de Jésus manque de rigueur. Alors que les critères de sélection pour un poste de dirigeant ne cessent de se perfectionner : école de formation reconnue, degré obtenu, origine familiale, réputation du candidat, lettres de noblesse, CV impressionnant, Jésus n’exige rien de cela.
Aujourd’hui pour choisir le meilleur candidat, on organise des conventions, des séminaires ; on frappe aux portes universitaires ; on fait appel à des chasseurs de têtes. Pour Jésus, le seul et unique critère qui motive son choix est leur gros bon sens et une bonne capacité d’avoir du flair.
Aucune vérification de leur compétence. Aucune question sur leur situation matrimoniale. Aucune question sur leur pratique de la loi. Il appelle des gens simples, des laïcs, non des maîtres en Israël ni des notables de la loi. L’appel de Jésus ouvre sur le temps des laïcs, observe le pape dans des paroles très fortes, mais en attendant l’horloge semble s’être arrêtée.
Jésus ne choisit pas des gens dogmatiques, des lévites ou de futur officiels de la religion ni même des gens reconnus pour leur pratique de la religion. Il n’a pas pour critère de regrouper des gens supérieurs aux autres, des super héros qui, de leur hauteur, descendent pour rencontrer des « mortels » (Pape François). Il n’appelle pas des gens pour répéter ce qu’il fait ou dire ce qu’il dit, ce qui serait du mimétisme.
Il choisit des gens pour vivre comme lui, capables de se préoccuper des autres, de leurs souffrances, de leurs blessures, capables de s’approcher le plus possible de ce qu’il y a de plus pauvre, de plus vulnérable autour d’eux, capables d’empathie envers ceux que personne ne souhaite fréquenter, capables de se « déconvertir » de ce qu’ils savent de leur religion pour se convertir à un appel à se faire frère universel. Jésus ne cherche pas à cléricaliser son équipe initiale. Il les instruit à travailler ensemble, nous dirions aujourd’hui, en mode synodale, avec comme chef d’équipe Pierre, l’un d’entre eux.
Le mandat des apôtres est un véritable défi : ils sont appelés à voir ce qui est spontanément impossible de voir. Vous avez des yeux et vous ne voyez pas (Cf. Mc 8, 18). À vivre une transformation intérieure que Thérèse d’Avila décrit par l’image du ver de soie qui devient papillon. Pour elle, toute personne (âme) est née pour avoir des ailes et s’élever. Dès le premier chapitre de son château intérieur, elle s’étonne que toute vie soit capable de « contenir » Dieu. Il ne faut pas s’imaginer que nous sommes vides à l’intérieur de nous (Chemin de perfection 28, 10). Elle s’appuie sur un passage des Proverbes (8,31) qui marque un tournant dans sa vie : la sagesse prend ses délices à demeurer en nous. Qu’avons-nous fait de cette mission de voir en toute personne cette beauté confiée par Jésus à ses apôtres ?
Traduit dans des mots d’aujourd’hui, tout envoyé, tout baptisé a pour mission de voir que l’humain cache le divin. Nous sommes le ciel de Dieu, caché dans l’âme pour utiliser son expression de Thérèse d’Avila, et qui cohabite avec nos bassesses. Dieu cohabite avec nos failles, nos demeures malpropres, insalubres. Elle écrira que Dieu cohabite avec nos bestialités. Y-a-t-il plus beau que cela ?
Ces bassesses, les évangélistes ne cherchent pas à les cacher en évitant de dépeindre les périodes de turbulences qui jalonnent le parcours des apôtres. Leurs déficiences et leurs humaineries se retrouvent à chaque page des récits évangéliques. Deux disciples désirent se voir à sa droite et à sa gauche, un autre le vend pour quelques deniers, un autre refuse de croire sans toucher, un autre le renie par peur d’être reconnu comme étant lui aussi avec lui, les autres fuient ou veulent le quitter, etc.
Ce n’est pas le fait d’être appelé qui change les apôtres. Ils sont tellement demeurés eux-mêmes qu’ils ont causé des maux de tête à Jésus en se disputant la première place, on se jalousant. C’est leur fréquentation de Jésus qui les traitent avec miséricorde (cf. 1 Tm 1, 15) qui les a lentement transformés. Jésus a eu pitié de moi, le pire des pêcheurs (v. 16). Fréquenter Jésus est le plus puissant levier de leur « conversion ». Ce l’est encore aujourd’hui.
À votre contemplation : Aujourd’hui suivre Jésus passe par le chemin de se « déconvertir » d’un christianisme axé sur faire son salut pour se « convertir » à l’esprit du christianisme (J. Moingt) pour maintenir l’héritage que nous a laissé Jésus. AMEN.
Autre réflexion sur le même passage :
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