Année B : samedi 13e semaine ordinaire (litbo13s.21)
Jn 20, 24-29 : bouleversante rencontre.
Est-ce vraiment d’avoir touché Jésus qui a suscité chez Thomas une claire vision de qui est Jésus ? La rencontre de Thomas avec Jésus, n’anticipe-t-elle pas plutôt la plus célèbre rencontre de l’histoire, celle qui a transfiguré Paul en apôtre, lui qui se faisait une fausse idée de Jésus dont il avait seulement entendu parler ? Thomas et Paul savaient pour ouï-dire qui était Jésus, mais ne le connaissaient pas en personne, ne l’avaient pas rencontré en personne.
Nous pouvons vivre des années dans l’entourage de quelqu’un, nous faire proches de lui, cela ne signifie pas que nous le connaissons, que nous en avons une connaissance personnalisée. En conclusion de son évangile, Jean propose à ses lecteurs un chemin de rencontre vraie avec Jésus en la personne de Thomas. Il nous présente une rencontre fulgurante avec le Ressuscité.
Thomas prend le chemin que découvrira Paul quelques années plus tard sur la route de Damas. C’est dans une rencontre personnalisée, une rencontre bouleversante qui abat toutes les résistances, qui nous jette par terre, que naît la foi en quelqu’un. Une vraie rencontre change tout.
La vie de Thomas se divise en deux étapes : celle d’avant sa rencontre personnelle avec Jésus et celle d’après sa rencontre où il l’a vraiment touché dans une fulgurante expérience qui l’a remis en marche comme celle des disciples d’Emmaüs, celle de la pêche sur le bord du lac et tant d’autres.
Thomas admirait Jésus. Maintenant, il se laisse étonner. L’étonnement est différent de l’admiration. L’admiration risque d’être mondaine, tant nous recherchons nos propres intérêts. L’étonnement est ouverture à l’autre, à sa nouveauté. Thomas invite à passer de l’admiration à l’étonnant d’être tellement aimé.
Thomas s’étonne que Jésus le laisse entrer dans son immense souffrance jusqu’à toucher les profondeurs de son amour pour nous. Sa foi est étonnement de rencontrer pour la première fois une personne humaine et divine. Aujourd’hui, les admirateurs de Jésus sont nombreux. Moins nombreux ceux qui déclarent comme le centurion, païen, sur la croix, voyant Jésus ne manifester aucune rancune contre ses accusateurs, déclarent vraiment, tu es le fils de Dieu.
Dans sa dernière prédication du carême à la Curie, le cardinal Cantalamessa, ofm, cap., observe et cela s’applique très bien à Thomas que la vie de chaque personne se divise exactement comme l’histoire universelle se divise : « avant le Christ » et « après le Christ », avant la rencontre personnelle avec le Christ et après cette rencontre[1].
Avant de toucher les plaies de Jésus, la foi de Thomas reposait sur des idées qu’il se faisait sur Jésus qu’il a pourtant longuement fréquenté, touché. En touchant Jésus, en le rencontrant, sa foi se transforme en connaissance réelle de Jésus. Jésus n’est plus une idée, il est une personne qu’il rencontre et qui le rencontre.
Heureux ceux qui vivent une vraie rencontre avec Jésus ! Il s’agit pour moi de connaître le Christ (Ph 3, 7-10). La connaissance de Thomas n’est pas dogmatique ni légaliste, connaissance que Jésus condamne au chapitre vingt-trois de Matthieu. Elle est une connaissance personnalisée. Thomas se présente à Jésus comme un chercheur. Sa réaction devant ses amis lui rapportant avoir vu Jésus, éveille en lui le goût de le rencontrer. Thomas n’est pas un négationniste. Il est en mode recherche. Son doute est recherche.
Sa rencontre avec Jésus que l’évangéliste symbolise par toucher ses plaies, l’a transformé. Désormais, Jésus est une personne et non plus une idée. Toucher Jésus, le rencontrer a sorti Thomas de son doute. On voit le doute de Thomas. Nous portons moins attention au fait qu’il n’a pas hésité à se montrer à Jésus tel qu’il est. Il n’a pas fait l’hypocrite en affirmant croire alors qu’il n’y croyait pas.
Avec Thomas, nous comprenons que la foi n’est pas d’abord d’ordre moral. Elle est rencontre. Thomas ne s’interroge pas s’il a bien agi ou pas. Il ne s’accuse pas d’avoir mal agi. Il questionne l’invraisemblable dire de ses amis. Tellement invraisemblable pour lui d’entendre que Jésus est vivant !
La foi de Thomas est exposition à Jésus et Jésus n’a pas hésité à lui pardonner son doute. Rencontrer Jésus a transformé sa foi grisâtre en une foi étonnement devant un si grand amour. D’où son cri : mon Seigneur et mon Dieu.
Le message de Thomas est simple : nous étonner de la réponse de Dieu à ceux qui le cherchent. Et les chercheurs de Dieu sont plus nombreux que les croyants. Comment dire mon Seigneur et mon Dieu si nous n’éprouvons pas la joie de l’avoir rencontré ; si nous ne savons pas nous émerveiller de son empressement à oublier que nous l’oublions, de découvrir que Jésus utilise nos doutes, nos failles pour provoquer une rencontre inoubliable qui nous ressuscitera ? Il ne suffit pas non plus de savoir que Dieu existe : un Dieu ressuscité, mais lointain ne remplit pas notre vie, nous avons besoin d’une solide expérience de rencontre avec le ressuscité pour sortir notre foi d’une léthargie qui nous éloigne de Dieu. Amen.
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